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Inventaire avant liquidation

[Intelligence et religion]

30 Novembre 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #55 : Méchant?

MÉCHANT?

 

    Depuis cent jours déjà que Dieu t’a fait signe

– ou que j’ai voulu voir un signe

– dans l’oxydation de la cellulose du Linceul

– et dans la conclusion que les prétendus “savants” nous incitent à en tirer

– tu n’as pas avancé d’un pouce.

– Laissons ces mesures factices, si tu veux bien. J’ai peu lu, peu appris, c’est vrai, encore moins agi, et je reste barricadé sur mes positions antérieures.

– Comme si, à 66 ans comme à 25, tu te disais : attendons encore un peu, il sera temps de me repentir à mon lit de mort.

– De ça, sans doute. Mais j’aurais des circonstances atténuantes, car le christianisme est de loin la plus psychotique des grandes religions.

– Pour le blasphème, c’est loupé, vu qu’il se flatte lui-même de “la folie de la croix”, ou de sa prédication.

– Loin de moi l’insane intention de blasphémer, mon compte est assez chargé comme ça. J’espérais sauver mon âme, irrémédiablement gangrenée, par les œuvres; mais plus je vadrouille dans les ouvrages de piété, plus je m’avise qu’elles n’ont de valeur qu’accomplies de bon cœur, et qu’avec des variantes selon les sectes et les époques, le salut relève d’abord de la Foi et de l’Amour (Amour de Dieu, s’entend, reçu et restitué, les créatures ne figurant qu’en supplément, et Le représentant), c’est-à-dire d’affects dont on n’est pas maître, et, le serait-on, qui relèvent de la maladie mentale. Le premier consiste en une abdication de la raison

– Rien n’est exigé de tel.

– Pas expressément; mais que reste-t-il d’une raison subordonnée à la croyance en un Être “caché”, selon toute probabilité imaginaire, et aux enseignements dudit Être, ou plutôt de son clergé? Bien sûr, la plupart des théologiens prétendent, à la suite de Paul, un homme du premier siècle, qui croyait le monde tout jeune, se figurait sans doute, comme Jésus Soi-même, que les étoiles peuvent tomber de la “voûte” du ciel, et voyait les “merveilles du monde” comme un donné brut et immuable… merde! Où j’en étais?

– Eh bien, si tu as fini de débiner Saint Paul, je pense qu’il faut remonter à « Les théologiens prétendent »…

– prétendent, donc, qu’avec nos “lumières naturelles”, nous pouvons arriver à la certitude de l’existence de Dieu, rien qu’en ouvrant les yeux sur ses œuvres : donc que ceux qui mécroient, c’est qu’ils veulent mécroire, et se damnent volontairement, sans le savoir, mais en le sachant quand même, etc : assertion qui ne vaut pas un pet le lapin, puisque si cette Présence est si patente, alors pourquoi n’est-elle pas sensible à tout humain? Pourquoi serions-nous réduits à nous fier là-dessus aux dires d’une poignée d’hallucinés, guère plus dignes de foi que le crucifix parlant de Don Camillo? Puisque nous avons, dites-vous, les moyens de la certitude, pourquoi ne pas nous les donner vraiment, je veux dire : ceux que nous demandons?  « Le Christ ne vous parle donc pas? » NON, Il ne me “parle” pas, et je refuse de m’en confesser coupable. Il y a quelques mots sublimes dans les Évangiles, qui me mettent la larme à l’œil, mais pas plus surhumains que certains vers de Sophocle ou d’Homère, et noyés dans de longues tartines ennuyeuses à périr.

– Nul n’a prétendu que ce fût un chef-d’œuvre littéraire. 

– Ce qu’on a prétendu, si je ne m’abuse, c’est qu’ils étaient inspirés. Possible que ça tienne à ma myopie ou à ma cécité, mais je ne vois là-dedans rien qu’un homme n’eût pu faire, rien qui prouve par le texte même que Jésus fût fils de Dieu ou Son envoyé, ou simplement avalisé par Lui… pour ne rien dire d’un certain nombre de bourdes dont Voltaire et ses épigones ont fait des gorges chaudes.

– Inutile de les énumérer, on y reviendra si le besoin s’en fait sentir. Est-ce que tu t’imagines, par hasard, que les croyants n’ont pas lu les Évangiles, ou qu’ils sont plus bêtes que toi?

– C’est oui aux deux questions, du moins pour le grand nombre. Je t’accorde volontiers qu’il y a des croyants bien subtils, et des athées bien stupides, comme cette nave d’Onfray, qui tient à ce que toute religion soit une réponse à la peur de la mort, alors qu’elle est probablement d’abord, pour les puissants et les nantis, une manière économique de faire marcher droit les misérables.

– Bon Dieu! Pour qui te connaît dans les coins, ton arrogance ignare est insupportable! Tu as abandonné le Traité d’athéologie à mi-parcours, et c’est à peine si tu as survolé cent pages des Deux sources de la morale et de la religion

– Je corrigerai s’il y a lieu.

– Tu ferais sagement de t’y atteler tout de suite. Que les classes dirigeantes aient utilisé la religion, c’est très probable. Mais qu’elle soit née de l’exploitation

– et de la nécessité de faire des économies de police la nuit : c’est la thèse de Critias, après tout.

– C’est assez dire qu’elle n’est pas de première jeunesse. Que la peur de revenir au néant, le besoin de réduire la part de précarité de la vie, d’imaginer une intention ployable à la prière dans des phénomènes sur lesquels on est sans prise, aient précédé le souci d’empêcher aux moindres frais les “méchants” de nuire, et d’endormir les esclaves, est-ce que ça ne relève pas de l’évidence?

– Il y a des évidences dont il faut se méfier.

– En tout cas, hic et nunc, ce ne sont certes pas nos dirigeants qui nous dealent l’opium du peuple. S’ils se prétendent croyants, en Amérique, c’est qu’ils y sont contraints par leur électorat.

– Bon, bon, t’as ptêt pas tort, j’efface. Onfray m’agace d’affirmer de haut, alors qu’il n’a qu’à peine pris le temps de lire le Coran en Pléiade, et je lui répondais sur le même ton

– du haut d’une science encore moindre!

– Je ne peux pas piffer ce type, je ne sais pas pourquoi.

– Par jalousie, c’te bonne énigme! Ou, disons, parce qu’il t’apporte la preuve qu’on pouvait réussir en décollant de la France-d’en-bas.

– Il n’y a pas d’alternative : la jalousie, c’est ça : la plaie suppurante de l’infériorité. Mais dis donc : tu prétends plaider pour les religions en les ramenant toutes à des mouvements naturels?

– Minute. Bergson distingue bien la religion statique de la dynamique, c’est-à-dire essentiellement du catholicisme, auquel il aurait fini par se convertir, s’il n’avait « voulu rester parmi ceux qui seront demain des persécutés »… Ça ne te trouble pas, cet aboutissement d’une vie?

– Si, un peu… et un peu moins quand je vais au texte.

– Il y a de nombreux chrétiens que les religions primitives n’ébranlent en rien.

– Nul doute. Mais ce que la leur garde de primitif, bien qu’on l’ait époussetée, depuis mon enfance, d’une infinité de petites observances… et du même coup, des cinq sixièmes de ses “messalisants”

Ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου ἐλθὼν ἆρα εὑρήσει τὴν πίστιν ἐπὶ τῆς γῆς?

– Hého, vieux, faut pas nous la faire! Mo pas causé kréol! Quoique je sois enchanté de voir un peu la cuistrerie changer de main…

– Ou plutôt de t’en débarrasser sur ma pomme… Laisse-moi au moins le temps de traduire : « Quand viendra le fils de l’homme, trouvera-t-il la foi sur la terre? »

– Si prévoir son propre échec, et à la forme interrogative, encore! exige une prescience divine, ἆρα je suis dieu moi-même.

– Juste pour dire que ça ne prouverait rien.

– Vatican II n’en a pas moins été une erreur énorme.

– On ne peut pas accuser de la dégringolade les moyens par lesquels on a tenté de l’enrayer. Et qu’importent les gros bataillons de grenouilles de bénitier?

– Les survivants ne m’ont pas paru la crème, avec leurs chants scouts. Enfin! Bientôt, tous les prêtres débarqueront d’Afrique. C’est un moyen de promo moins dangereux que de se faire enfermer dans un container. 

– Je sens une odeur de racisme ici.

– Pas la moindre. Je ne suis pas un paladin du Q.I., ni surtout des tests qui le mesurent, j’ai abordé le sujet ici ou : pour nous résumer, il me semble que les questions posées favorisent une forme d’intelligence grégaire, dont la contestation, la créativité, voire la simple compréhension d’une idée nouvelle sont exclues. D’autre part, la prétention des tests à être culture-proof et education-proof me paraît sujette à caution : bien qu’une telle assertion relève du politiquement incorrect et soit punie par la loi, je n’hésiterais pas à marmonner dans ma barbe, comme la plupart des coopérants, de la Mauritanie à Madagascar, que les noirs sont bêtes, mais il m’en faudrait au préalable des preuves un peu plus sérieuses qu’une “enquête” qui accorde 105 à la Chine, 98 aux U.S.A. (et à la France!), et 65 de moyenne ou moins à l’Afrique subsaharienne.

– De moyenne?

– Textuel! Oh! Ils n’en douteront pas pour autant de leur outil! Aucun test de survie en forêt équatoriale n’est prévu! Bien sûr j’ai noté moi-même à Bangui moult exemples qui semblaient aller dans le sens indiqué, et qui prouvaient simplement ce qu’il advient, quand une culture aboie à une autre : « Ôt’ toi d’ là que j’ m’y mette! ». C’est dire que la corrélation d’un Q.I. élevé avec l’incroyance ne m’impressionne pas : même si l’on admettait que ces chiffres signifient autre chose qu’eux-mêmes, ils n’en suffiraient pas à faire de la foi un signe de connerie. Nous émergeons d’un “fond des âges” où l’athéisme semble presque inconnu. Les êtres qui se contentent d’adopter les rites, coutumes et convictions de leurs parents sont naturellement très majoritaires dans les pays pauvres où l’on a bien du mal à survivre sans être lié à un clan, où l’on n’a pas les moyens de l’individualisme. Les grandes religions ont d’ailleurs, pour la plupart, cette vertu de n’être pas réservées à un peuple, à une classe, d’être ouvertes à tous, d’où un considérable recrutement d’ânes bâtés qui plombe la moyenne, ce qui n’exclut nullement la présence d’une élite : chez les croyants, je serais plutôt porté à supposer une courbe de Q.I. bibosse que gaussienne. Au reste, dans un pays comme la France, où l’athéisme, à son tour, se transmet de père en fils, il ne demande plus aucune exploration personnelle, et n’exclut pas l’imbécillité.

– Dont acte!

– Il y a des croyants très malins. Seulement, la subtilité du pilpoul est plutôt à inscrire en faux contre les bornes entre lesquelles on a accepté d’enfermer sa raison, et qu’il s’est donné pour loi première de justifier. Et ce sont des bornes d’absurdité totale : que, quelques millions d’années après la lente émergence de l’homme, et après l’avoir laissé barboter tout ce temps-là dans le péché, Dieu décide de nous envoyer Son Fils, entre cent ou mille prophètes et aspirants-Messies, Se faire crucifier au bout de quelques ans ou mois de prédication dans un minuscule canton de l’empire romain (et ne parlons pas de l’univers ou des multivers!) pour le pardon desdits péchés myriaséculaires (quoi donc L’empêchait de pardonner tout bonnement sans tant d’histoires, en tonnant un « N’y revenez pas! » audible à tous?) et que les hommes ne s’en trouvent nullement améliorés, ce qui semble attester que le sacrifice fut vain; que ledit Fils ressuscite en catimini, et qu’il suffise qu’on raconte L’avoir vu… D’accord, la fortune du christianisme est surprenante; mais si vous en tirez argument, il va falloir prendre en compte aussi son dépérissement et son actuelle agonie… pour comble connus de Dieu de tout temps, ce qui ajoute une ombre, et non des moindres, à l’opération palestinienne. Bref, la Foi, c’est en la parole d’hommes de chair et d’os qu’il est requis de l’avoir, d’hommes qui racontent des choses incroyables, et elle n’a pas plus de raison d’être que celle qu’exigerait de moi un ivrogne qui aurait vu des éléphants roses débarquer d’une soucoupe volante. Mais plus énorme que toutes ces énormités resplendit au firmament celle (absente il est vrai du credo de Nicée) d’un Dieu Qui aimerait ses créatures, et exigerait la réciprocité, à défaut de laquelle Il les vouerait à des supplices extrêmes et éternels! Quels indices aurions-nous de cet amour? Qu’Il nous ait donné Son fils? Là on est dans le circuit fermé, et à l’égard dudit Fils, on peut parler d’amour vache. Bien sûr, quand on ouvre les yeux sur la terre, on a le choix entre la beauté d’un lagon, d’un chat, d’une fleur… ou des jolies femmes. Mais alors, pourquoi tant de laides? Pourquoi la douleur, infligée à des milliards d’hommes et d’animaux, et dont le Christ est loin d’avoir connu le pire échantillon, bien que je ne minimise nullement la Passion? Pourquoi surtout cette cruauté de rester caché, sauf à une minorité infime, dont la santé psychique requiert examen? Et d’expédier au feu éternel, ou de reléguer dans les ténèbres extérieures, quelques tourments que désignent ces formules, ceux auxquels Il n’aura pas voulu donner la foi, ou les grâces suffisantes? Car quelle différence entre le savoir et le vouloir, quand il suffisait que le damné ne naquît pas? Un Dieu qui tire un seul homme du néant pour le flanquer en enfer, c’est peu dire qu’Il n’est pas aimable : Il mérite d’être exécré.

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