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Inventaire avant liquidation

[Gratifications narcissiques et thérapie de soutien]

15 Novembre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #61 : Narcipat?

 

    Il y a toutefois des cas où les résistances narcissiques ne peuvent être perlaborées, et le patient, après de longues périodes d’impasse, préfère arrêter le traitement, ou encore l’analyste a le sentiment qu’il ne peut plus l’aider. Dans ces conditions, le passage à une thérapie de soutien, qui est, à mon avis, implicite (quoique non intentionnelle) dans la technique de Kohut, peut être utile. C’est particulièrement vrai pour les patients qui ont une adaptation sociale assez bonne, qui consultent pour un symptôme qui s’améliore au cours de l’analyse avant que leurs résistances narcissiques de base aient été perlaborées; et pour les cas où les bénéfices secondaires, en particulier d’importantes gratifications narcissiques liées à la structure pathologique, œuvrent contre la nature pénible du travail analytique. [Présent! Même si je ne l'entends pas, comme Kernberg,  par la conquête d'une popularité labile, encore moins de biens : en l'absence de tout cela, mon self grandiose a choisi d’investir une sorte d’auto-analyse sauvage, qui manque, je l’avoue, à son devoir de pénibilité, et pourrait bien batifoler dans l’illusion d’alpha à oméga : quelle garantie pourrais-je bien avoir, en solitaire, de progresser dans la connaissance de moi-même? Je prétends la chercher là où ça fait mal; mais ma boussole intuitive est irrémédiablement faussée, je me rends bien compte que je ronronne de plus en plus [en 2010! Il y a sept ans! Même cela n’est pas nouveau!], et m’écarte des sources de douleur authentique, même si les aveux auxquels je me livre en ligne révulseraient 99,9% des humains. Les “bénéfices secondaires” de la narcipathie, pour s’inscrire au négatif (comme des manques à perdre), ne l’emportent pas moins sur les améliorations que je puis espérer d’une restauration éventuelle de l’empathie, de la confiance et de l’amour : mes chances de plaire à qui me plairait, d’être reconnu et aimé, étant, en dépit d’un assouplissement de mes critères d’accueil, quasi-réduites à zéro, le retrait narcissique et l’anesthésie affective n’ont guère que de la souffrance à m’enlever; et, comme toutes mes activités sont orientées par les exigences du self grandiose, son effondrement me laisserait face à des jours vides, avachis, et à la mort. Tout cela, diras-tu, est vu au travers du prisme d’une pathologie… [Mais tout de même assez bien vu : à présent que la dutastéride a ôté tout moyen d’assouvissement, donc tout sens, à une quête sexuelle dont il ne subsistait que des fantasmes et les reproches du surmoi, je ne prétends pas batifoler dans une jouissance ininterrompue, mais, si l’idéal baissait pavillon, ce serait pour me laisser face à la demi-mort d’une vie végétative [1]. Tout mon déboire vient de la dépendance de cet idéal, qui semble invincible, alors que la survenue de quelque autre que ce soit s’est faite éminemment improbable.]] Il y a aussi des patients avec d’intenses réactions thérapeutiques négatives qui n’acceptent une certaine amélioration que s’ils peuvent en même temps vaincre l’analyste ainsi que son objectif de susciter un changement ultérieur. Souvent dans ces cas le traitement doit évoluer en un soutien tolérant de la constellation narcissique tout en préparant la fin de la thérapie. [Je reviendrai à cette fragile esquisse de guérison : on dirait parfois qu’en conquérant, dans le milieu le plus pauvre intellectuellement qui soit, la confiance de Céline, que j’ai fait élire “présidente”, et qui consent à comprendre ce que je lui conseille pour consolider sa position (partant les nôtres), et à exploiter mon filon pourvu que nul n’en sache rien, je me suis agrégé à un groupe, et ça ne va ni sans euphorie, ni sans gain de confiance en moi, puisque c’est pour les autres que je me décarcasse, en m’effaçant autant que possible; le self grandiose résiste : « Qu’est-ce que tu vas perdre le peu de temps qui te reste avec cette piétaille? N’as-tu pas mieux à faire que peaufiner des courriers à de pareils abrutis?» et certes ils ne brillent pas par leur écoute. D’autre part, cette femme qui me représente auprès des autres transpose le vieux fantasnarcipat de l’âme-sœur, en baptisant largement son vin. Enfin, je suis toujours insatiable : dès qu’on m’a donné (c’est-à-dire pris) un doigt, il me faut la main, le bras, le corps… Je ne sais pas. C’est en son absence qu’il me paraît qu’il suffirait d’un, un seul soutien tolérant de la constellation narcissique pour qu’elle s’humanise et se réinsère… [Il s’est confirmé quatre ans plus tard avec ma sœur qu’il m’en fallait vraiment très peu : quelques “oui” ou “non”, de loin en loin, de simples accusés de réception compréhensive. Personne ne me doit rien, mais je ne m’en étonne pas moins que les visiteurs de mes blogs n’éprouvent pas le désir de discuter telle ou telle assertion.] Mais je ne puis me contenter du premier imbécile qui ferait de moi son dieu : je le veux autre, juge et contenant, non pas bêtement prosterné et simple annexe de mon ego. Est-il pour autant nécessaire qu’il soit omniscient et omnicomprenant? Ne me sens-je pas accessible à une moindre exigence? Le problème, c’est surtout qu’il me faut un support valorisé par Dieu ou les masses, qu’un laideron ou une vieille bique ne fait pas l’affaire [À l’écrit, si, tout à fait. Or je crois sincèrement que tout désir de dévirtualisation m’a quitté.], et qu’attendu mon aspect, ma fortune, mon pouvoir, je n’ai chance d’être chéri tant soit peu que par un être pour qui prévaudrait la lucidité liée à une relative virtuosité d’expression… [Les illusions ont la vie dure. Décidément, cet Inventaire restera inachevé sans une étude implacable de mon style.] une précellence, mais secrète. Or il semble bien que je n’en aie trouvé qu’une qui se félicite de voir sa prose toilettée par un nègre. Ça tient déjà du miracle, certes, l’ignorance s’accompagnant ordinairement d’ignorance de l’ignorance… mais c’est, si j’ose dire, le pis-aller du miracle.]

 

    Il y a cependant une différence dramatique entre les changements obtenus dans ces conditions et les changements obtenus lorsque le narcissisme pathologique a été systématiquement perlaboré. Lorsque le narcissisme pathologique ne peut être perlaboré et que l’analyse évolue en une thérapie de soutien, il y a habituellement une amélioration notable du comportement social du patient. Sa meilleure compréhension des autres et de ses relations humaines améliore ses relations avec lui-même et avec autrui. Les ambitions du patient deviennent plus réalistes, les moyens d’y parvenir plus en harmonie avec sa vie et ses buts sociaux, et les sentiments d’ennui et d’inquiétude si typiques des personnalités narcissiques sont habituellement mieux tolérés. Cependant il persiste habituellement un manque de capacité à éprouver une empathie profonde pour les autres et un manque de capacité à développer des relations d’amour. Dans leur travail, ils poursuivent souvent un intérêt particulier ou investissent un domaine étroit – qu’il s’agisse du travail, de leur profession, d’étude, de loisirs ou de collections – là où le patient obtient un sentiment de contrôle, de supériorité, tout en s’isolant du domaine plus vaste dont cet intérêt particulier fait partie. [Si Céline m’avait sauté au cou, peut-être n’aurait-elle pas mis des lustres à me raser. Il me semble quand même que je serais prêt à tout bazarder, tout, si elle me faisait une fille, même moche (bête, impossible, puisque je m’en occuperais à plein temps!). Guérison ou amélioration? Est-il bien nécessaire d’y réfléchir, puisqu’il n’en est pas question? Sous cette forme, O.K. Mais la simple amitié? Est-ce sous l’influence de K. que ce mot semble prendre sens? [Laissons ce com’, qui a au moins la vertu de me faire grincer des dents, et, remontant au texte en bleu, notons que je parais avoir très mal choisi mon lopin de supériorité : certes, j’ai éliminé d’emblée toute concurrence, attendu mon accès privilégié au matériau, mais du même coup je me suis fermé, semble-t-il, toute possibilité de dialogue. Il s’en était pourtant amorcé un avec Sylvia il y a sept ans. Mais je ne suis pas si sûr que sa cessation m’ait déçu. C’est à présent que je le regrette. J’espère éperdument (ou crois espérer) le dialogue, il m’enivre aux premiers échanges, et me barbe s’il dure : je n’arrive à lui rendre justice que rétrospectivement.]]

 

    Paradoxalement, les personnalités narcissiques, lorsqu’elles fonctionnent de façon plutôt médiocre sur un niveau limite manifeste, qui ont commencé une thérapie de soutien, peuvent parvenir à une meilleure amélioration que des patients qui, au départ, fonctionnaient de manière plus efficace, étant plus intelligents, créatifs ou ambitieux. [Je ne vois rien là de “paradoxal”, bien au contraire : plus on a déployé de compétence pour édifier des défenses efficaces, plus il est difficile de les abattre.] Les sentiments permanents de vide, l’aspect “envahissant” des intérêts et des ambitions qu’on observe chez les personnalités narcissiques qui fonctionnent sur ce niveau limite leur donnent une plus grande envie d’établir un mode de vie ou un style conventionnel et parfois hyper-conventionnel à la place de leurs anciennes ambitions et flamboyances, avec la gratification de voir leur vie et leurs besoins immédiats stabilisés et contrôlés. À l’opposé, les personnalités narcissiques qui étaient douées et brillantes, quand elles ont entrepris un traitement psychanalytique qui n’a pas résolu leur structure narcissique tendent à ressentir une plus grande insatisfaction de leur vie et d’eux-mêmes.  [Voilà le résultat d’années de galère, sans parler du fric dilapidé.] Alors qu’ils ne peuvent plus s’en tenir à leurs anciens sentiments de grandeur, ils ne peuvent accepter la nature “médiocre” de leur vie quotidienne.

 

    L’observation d’anciens candidats analystes (qu’ils aient été ou non acceptés) qui ont entrepris une analyse où les résistances narcissiques n’ont pas été systématiquement ni analysées ni résolues (habituellement parce que les tendances transférentielles négatives n’ont pas été complètement explorées) donne une bonne illustration de ces développements. On trouve en particulier parmi ce groupe le tableau suivant : un désappointement progressif dans le travail psychothérapique intense, un sentiment d’ennui quand on envisage la perspective d’un travail prolongé avec un patient pendant plusieurs mois ou années, et des rationalisations sur cette perte d’intérêt pour le travail clinique sous la forme de critiques de la théorie ou de la technique psychanalytique. [lesquelles, naturellement, ne sauraient être fondées.] Fréquemment, ces anciens candidats – ou analystes – s’aventurent dans de nouvelles méthodes de traitement, particulièrement celles qui promettent de provoquer une activation immédiate des réactions affectives ou de la régression. Ils se sentent plus à l’aise avec des méthodes qui permettent une “communion instantanée” d’aspect non différencié, plutôt qu’une élaboration longue, complexe, d’une relation humaine en profondeur. Des thérapeutes doués et intelligents qui ont cet ensemble de traits peuvent se montrer très sensibles à propos de “petits problèmes difficiles” du traitement, mais perdent de vue l’ensemble de la constellation affective qui traduit ce qui se passe entre eux et le patient. [Curieux. T’es sûr? Narcipat me semblerait plutôt aspirer à la synthèse immédiate, comme évoqué juste au dessus. Dans ce souci du détail sans relation à l’ensemble, j’entends plutôt l’écho de la rivalité habituelle : pour le psychanalyste, tous les autres psys s’attachent à la résolution de “petits problèmes difficiles” (autrement dit, des symptômes, qui pour ces gens bassement superficiels font toute la maladie) alors que nous on “perlabore”, toute une vie s’il le faut! Bonne excuse à l’échec d’une thérapie ciblée.] Il est intéressant d’observer comment dans la formation post-analytique, ces patients qui ont une personnalité narcissique et n’ont pas entrepris une perlaboration systématique de leurs résistances narcissiques continuent un certain temps d’idéaliser leur analyste puis progressivement y deviennent complètement indifférents. Rétrospectivement, ils évaluent l’analyse comme une expérience très utile mais où ils n’ont rien appris de nouveau sur eux-mêmes.

 

    [Ici, un certain nombre de cas cliniques que je bazarde parce qu’ils m’ennuient : je ne vois aucune ressemblance avec ce que j’observe au miroir. Et pas davantage sept ans après. Mais le visiteur, lui, s’y serait peut-être retrouvé. Après ça, va te plaindre de n’être pas lu ou/et pas commenté! D’autre part, il ne semble pas follement cohérent de ronchonner contre l’abstraction excessive, et d’éliminer huit pages de cas concrets.]

 

 

 

[1] On s’étonne que les vieillards qui survivent à leur inspiration (j’ai hier commencé et lâché avant la page 100 les mémoires de Lodge) persistent à scribouiller, mais que voulez-vous qu’ils fassent d’autre, quand ils ne peuvent plus baiser, digérer, ni voyager? Et quand ils ne sont fait un nom, il est bien naturel qu’ils en profitent pour publier n’importe quoi.

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