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Inventaire avant liquidation

[Espoirs qu’on peut fonder sur l’analyse; un analysant ingrat]

27 Octobre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #61 : Narcipat?

 

    C. CONSIDÉRATIONS TECHNIQUES

 

    De nombreux cliniciens expérimentés considèrent que ces personnalités narcissiques sont de mauvais candidats à l’analyse et qu’en même temps celle-ci reste le seul espoir d’amélioration. Face à ce pronostic extrêmement réservé, Stone exprime un point de vue un peu plus optimiste sur l’analysabilité de ces patients. E. Ticho, reconnaissant à la fois les problèmes et les difficultés, a proposé que ces personnalités narcissiques constituent “une indication héroïque d’analyse”. À mon avis, le fait que certains de ces patients non seulement s’améliorent grâce au traitement psychanalytique, mais s’améliorent de façon spectaculaire, montre que les efforts pour approfondir la conduite technique et les aspects pronostics [sic : plutôt “pronostiques”?] de ces patients sont tout à fait justifiés.

 

    Jones a publié un article sur les traits narcissiques pathologiques dès 1913. En 1919, Abraham a écrit le premier article sur les résistances transférentielles de ces patients, dans lequel il a alerté le thérapeute sur les dangereux effets qu’avaient les défenses narcissiques sur le processus analytique. Il a noté la nécessité d’interpréter efficacement les tendances de ces patients à regarder l’analyste de haut et à l’utiliser comme spectateur pour leur propre travail “analytique” indépendant. [Je m’y vois d’ici. Et quoi d’étonnant? C’est l’aval qui nous a manqué; et c’est d’aval que nous avons besoin d’abord. Cela dit, rien ne t’empêche d’interpréter nos interprétations : pour ma part, je ne demande que ça.] Rivière, dans son article classique sur la réaction thérapeutique négative, décrit des patients qui doivent faire échouer le processus psychanalytique : ils ne peuvent tolérer la notion d’une amélioration, parce qu’une amélioration signifie reconnaître l’aide reçue de quelqu’un d’autre. [Quelque chose là me paraît en contradiction avec notre image d’exploiteurs qui jettent cyniquement l’écorce après avoir pressé l’agrume. Et il me semble que l’un est presque aussi faux que l’autre. [Il va sans dire que, n'ayant jamais été confronté à un analyste capable et désireux de me soigner, mais, au mieux, à des pékins qui vidaient leur sac (« Personne ne vous aimait », « l'être le plus imbu de sa personne », etc) il est insoutenable que j'aie reçu, sur le plan de l'analyse ou de quelque interprétation que ce soit, la moindre aide digne de ce nom, ce qui fragilise mes commentaires : il est normal que des conneries dépassées me fassent hausser les épaules. Mais hors de doute primo, que cette aide, je ne la cherche pas, ou à dessein maladroitement, secundo qu'il y a quelque part un nœud, quelque chose que je ne parviens pas à regarder en face, et que je saluerais peut-être, si l'on me le déballait, du refus hautain qu'évoque Kernberg.]] Elle note que ces patients ne peuvent tolérer de recevoir quelque chose de bon de l’analyste à cause de leur culpabilité intolérable et de leur propre agressivité. Rosenfeld a noté combien fondamentale est l’intolérance à la dépendance de ces patients avec une structure narcissique. [La dépendance, c’est d’abord le risque d’être jeté “comme autrefois”. Mais aussi la honte par excellence (avec connotation sexuelle possible) : accepter un mentor, quelle horreur! Je me reconnaîtrais plus aisément inférieur à quelqu’un que je n’accepterais de lui une autre aide que la part de reconnaissance qui m’est due.] Kohut a montré comment un patient qui présente cette structure ne peut tolérer que l’analyste soit une personne différente, indépendante. [Défaut de triangulation qui affecte les rapports avec tous. L’autre ne nous intéresse que comme miroir. On tolère son altérité, mais elle est comme exsangue : la vie lui manque. [Cela aussi, je l’avais déjà compris, dirait-on : il était bien inutile de l’insérer plus haut en rouge.]] Tous ces articles insistent sur l’intensité des résistances transférentielles des patients narcissiques. [Je le crois sans peine : rien que l’idée d’aimer un vieux birbe, ah, beurk! Mais n’est-ce pas, simplement, un transfert négatif?]

    J’aimerais illustrer le problème des résistances transférentielles par l’histoire d’un cas. Un patient avec une structure narcissique passait des heures et des heures pendant plusieurs mois à me dire que son analyse était devenue monotone et ennuyeuse, que ses associations avaient toujours le même contenu et que le traitement était une entreprise complètement désespérée. En même temps, dans sa vie externe, il se sentait plutôt bien, soulagé de ses sentiments d’insuffisance et d’insécurité, mais il était incapable d’en comprendre le pourquoi. [Ton pourquoi : moi qui n’ai pas d’analyste, ni personne d’autre, il m’arrive pourtant de passer par de longues périodes d’euphorie, liée à un aval esquissé, ou à quelque forme d’autosatisfaction : il m’en faut très peu, et de moins en moins, bénéfice direct de la privation. Il est trop naturel que le psy s’attribue systématiquement les améliorations de son patient (comme le mien à son Zoloft, que je ne prenais pas, et thésaurisais en vue d’un suicide) pour qu’un doute ne survienne pas. Hélas, il est impossible de comparer de facto un analysant avec le même homme sans thérapie.] Je lui fis remarquer que lorsqu’il décrivait ainsi sa psychanalyse, il me décrivait implicitement comme le pourvoyeur d’un traitement inutile et stupide. Le patient dénia d’abord ceci, affirmant que c’était son problème et non le mien si l’analyse ne pouvait progresser. Je lui fis alors remarquer qu’au début du traitement, il avait beaucoup envié mes autres patients qui avaient déjà reçu de moi beaucoup plus que lui; il était étrange que maintenant il ne se sente plus du tout envieux des autres patients, en particulier lorsqu’il affirmait que c’était uniquement son problème de ne pouvoir bénéficier de l’analyse. Je lui fis aussi remarquer que son ancienne et vive envie développée à mon égard avait complètement disparu pour des raisons qui lui étaient restées obscures. À ce moment, le patient prit conscience qu’en réalité il pensait que c’était totalement de ma faute si son analyse avait, selon lui, échoué. [T’es vraiment sûr de ne pas te palucher, l’ami? M’est avis que ton patient non seulement avait fort bien compris cela, mais que c’est ce qu’il entendait te faire comprendre à toi-même, et masquait d’une politesse transparente, genre : « C’est ma faute, je suis trop con pour te percevoir intelligent. »] Il se sentait maintenant surpris d’être si satisfait de poursuivre son traitement tout en me considérant comme aussi inefficace. Je lui fis aussi remarquer combien cela le satisfaisait de représenter pour moi un échec, tandis qu’il réussissait dans la vie. Je lui fis remarquer encore que c’était comme si j’étais devenu son soi méprisable tandis qu’il s’était emparé de mon moi admirable. Il devint alors très angoissé, et eut peur que je le haïsse et veuille prendre ma revanche. Des fantasmes apparurent où il pensait que je racontais à ses supérieurs et à la police ses activités dont il avait honte. Je lui fis remarquer que cette crainte d’une attaque était une des raisons qui l’empêchaient de se considérer lui-même comme vraiment en analyse, et qu’il se réassurait de n’être pas un vrai patient en affirmant que rien ne se produisait dans les séances. [Mais justement, son analyse n’est-elle pas ipso facto un échec? Et cette crainte d’une attaque n’est-elle pas caractéristique d’un transfert négatif?] À ce moment, le patient exprima des sentiments d’admiration parce que je n’avais connu ni confusion ni découragement lorsqu’il répétait constamment que l’analyse était un échec. L’instant suivant, toutefois, il pensait que j’étais très habile et que je savais comment utiliser les “astuces typiques des analystes” pour conserver “une longueur d’avance”. Il pensa alors qu’il pourrait lui-même utiliser une technique semblable avec les personnes qui pouvaient tenter de le dévaloriser. Je lui fis remarquer que, dès qu’il recevait une “bonne interprétation” et s’en trouvait aidé, il se sentait aussitôt coupable de ses attaques à mon égard et encore plus envieux de ma “bonté”. Ainsi il devait “voler” mes interprétations pour son propre usage, me dévalorisant dans son processus, afin d’éviter d’avoir à reconnaître que je lui avais laissé quelque chose de bon, et d’éviter ainsi l’obligation d’en être reconnaissant.  Le patient fut pendant un moment très angoissé et complètement “confus”. [On ne comprend, mais pas nécessairement comme toi, qui sembles décidément te prendre pour le centre du monde.] À la séance suivante, il dénia en partie l’intérêt affectif de ce qui s’était passé dans la séance précédente, encore une fois le même cycle reprit, et il recommença à parler de son ennui et de l’inefficacité de l’analyse. [Lorsque je nie le côté “exploiteur” du narcipat, j’omets évidemment pour mon compte le déni de ce qu’on a reçu, que je constate si fréquemment chez les autres, et qui naturellement m’échappe chez moi. La pire exploitation est bien sûr l’inconsciente, puisqu’elle ne donne même pas un merci secret en échange de biens reçus, matériels ou spirituels. Mention spéciale aux gens qui vous manifestent de la gratitude, mais dans le jardinet le plus étroit possible, comme Kapok qui “avoue” que je l’ai initiée à eBay, oubliant que je l’ai guérie de la crampe, et qu’elle tient de moi jusqu’au mot “empathie”, dont elle se gargarise tant. Je suis un ingrat de compète, entendu, et quand je reconnais un apport intellectuel, c’est plutôt celui d’écrivains, de préférence morts. Mais moi je n’aurais garde d’occulter que sans elle et son époux, j’en serais peut-être encore au stylo et à la ramette, et la moitié du Journal pédagoïaque est consacrée au bouleversement épistémologique apporté par Charles; depuis un an ou deux je planche sur la narcipathologie, qui n’est pas de moi, même si, comme disciple, on pourrait souhaiter moins ronchonneur et moins vétilleux. D’une manière générale, j’admets que je n’ai pour ainsi dire rien trouvé tout seul, et que mon rôle se borne à développer et à déformer les thèses d’autrui. Mais le psy qui s’offusque que le patient lui “vole” ses interprétations semble révéler par là qu’il n’est pas au dessus du conflit. N’est-ce pas l’acquisition qui importe? Tout éducateur sait que ce qui “rentre”, et surtout qui s’avère fécond ensuite, c’est ce que l’apprenant a l’impression de trouver tout seul, et le premier soin d’un enseignant, s’il n’était pas entravé par le narcissisme, serait de s’effacer... à moins que je ne légifère ici que pour mes semblables, et que la plupart des autres n’accueillent la Voix du Père avec amour? N’empêche qu’à l’ordinaire ils s’approprient son discours en effaçant la signature.]

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