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Inventaire avant liquidation

[Sommeil, suicide, oublis, bordel, branlette, et autres]

8 Février 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #66 - 67 - 68 - 69 : Indolescence - Quo non descendet? - Ultimes luluttes - Ultimes révélations?

 

Bon, je me recroqueville, si vous y tenez. Mais contre qui, contre quoi? Contre la grinde avinture de la consommation? Me faites pas rigoler, j’ai les lèvres gercées, et pas de temps à perdre : 6h37, j’ai fermé l’œil vers minuit, presque sept heures de bulle, sex horas dormisse sat est, da septem pigro, pas surprenant que je me sente reposé et rajeuni. Le soleil et le sommeil sont les deux seuls Esculapes auxquels je sacrifierais un coq, et maintenant que je dois me passer du premier, qui m’endolorit le calot même quand je le ferme, je n’hésite pas à me niquer la cervelle aux benzos pour abuser du second. Enfin, abuser, sept heures, mouais, c’est beaucoup quand tu te réfères à l’époque pas si lointaine où je me couchais à six pour me lever à onze, mais, rapporté au genre humain, je me situe dans la norme, dans la routine de notre temps, sept heures de sommeil, ça présage un certain tonus, je devrais moins traîner les pieds qu’hier, pas abuser tout de même, ta journée est foutue quand t’as pas fermé l’œil, mais moi j’ai plus la pêche quand elle commence trop tard, passqu’alors, d’emblée, c’est plus une journée réussie, puisqu’elle le sera moins qu’elle aurait pu l’être. L’ennuyeux tout de même c’est ces Noctamide auquel je suis revenu, les Xanax perdant de leur efficacité, et le Laroxyl à haute dose me nouant les pipiducs… Les stocks? Non, désormais, je m’en fous : j’ai la dose létale de Larox selon le Suicide mode d’emploi, mais il faudrait boire les cinq flacons secs, sauf à rechercher un trépas style Tycho Brahé, et le produit est d’une amertume à vous paralyser l’estom’ : tant qu’à prendre un raccourci sans savoir ce que je trouverai au bout, mais sans illusion du côté des délices que j’ai méritées, c’est bien le moins d’exiger qu’il soit pas trop épineux en lui-même… Non, si je m’y résous, ce dont je doute de plus en plus, à mesure que l’urgence s'en accroît, ce sera par grand froid [1], et deux-trois boîtes suffiront. Ce qu’on me prescrit est désormais consommé, et si j’abuse des substances, depuis mon imbécile overdose d’il y a trois ans, c’est que je ne peux plus m’en passer pour dormir. Y a comme une ironie de la justice immanente, vous trouvez pas, dans les choses? Je demande à mon toubib des médocs dont j’ai pas besoin, en vue d’un suicide. J’avale tout ce que j’ai entassé, pour éviter une cécité qui me menaçait en aucune façon, du moins dans l’immédiat, et le résultat le plus notable, c’est qu’à présent je peux plus fermer l’œil sans somnif, et par doses croissantes, encore! Certes, certes, je pourrais sans doute tenter le sevrage; mais ce serait au prix minimal d’une semaine sans sommeil, sans écriture, sans lecture, ni le moindre usage de mon œil, même en le noyant… tonnerre! Mon Cartéol! Ce que je suis inorganisé, c’est pas croyable. Voilà dix mois qu’on m’en prescrit, et c’est toujours pas devenu un réflexe de m’en lâcher une goutte dans l’œil tous les matins! Dès que je serais vertical, je la remettrais, sauf douleur contraignante, au lendemain, or, bien que je le soupçonne d’effet placebique, je crois qu’il a si bien combattu les élancements de la cataracte (ou plutôt de l'hypertension intra-oculaire, ou d’un début de glaucome, repéré au dernier moment, qui a poussé la vieille, sans avouer la moindre négligence antérieure, à cavaler jusqu'au burlingue de sa secrétaire, pour exiger du six mois ferme) que je me trouverais bien con, du fond de mon enfer, d’être mort pour ça il y a trois ans, et… quoi, encore? Pas inconfès, ce sacrement désuet n'est pas ce qui m’occupe; pas irréconcilié, qui supposerait une scandaleuse égalité entre Dieu et moi… In, irrinsoumis, non. Irréductible, non. Irrésipiscent, n'existe pas. Incontinent? Non mais ça va plus? C’est le mot le plus simple! Le plus courant!  Seigneur, c'est à boire la ciguë tout de suite! Rebelle, endurci, laissons choir, ça me reviendra de soi-même ou avec l’aide de Bertaud du Chazaud, mais vous dire à quel point ça m'angoisse, ça arrive vingt fois le jour à présent. Encore ne prends-je en compte, comme il va sans dire, que les oublis répertoriés. Parce que ce que j'ai oublié d'avoir su… terræ incognitæ. D’abord c’étaient les noms propres qui tiraient leur révérence, à présent les communs sont entrés dans la danse et ne la quitteront plus. Et s’il n’y avait que les mots… Mais les faits et les dates prennent à leur tour congé sans crier gare, je passe les heures à faire coller ce que je claque avec ce qui me reste en banque. Pas une fois je ne fais mes courses sans me tailler la nécessité de revenir pour un ou deux articles indispensables et omis. Raaah, il y a plus de quinze ans que j’habite ce gourbi, et je n’ai toujours pas réussi à m’y organiser de façon pratique. Tâtez-moi ce bordel, tout s’y mêle, des médicaments utilissimes tombent à la poubelle direct – oui, ce carton-là, juste dessous, qu’il va falloir vider, il déborde – et ne sont plus retrouvables, entre les chewing-gums et les emballages. Mais qu’y faire? Je peux distraire un moment pour clouer un rebord, mais de quelle hauteur? Assez haut pour qu’un Xanax ou un cure-dents se planquent derrière et s’y encroûtent de poussière, il laissera dégringoler presque tout le reste… Saisissez? Du coup, deux médocs que je prends systématiquement ensemble, il m’en reste tantôt deux de plus de l’un, tantôt trois de l’autre. J’ai adopté l’habitude comme mauvais maître, mais apparemment, pas question pour elle de se changer en bon serviteur. Où sont ces putains d’unidoses? Aux ordures, je parie? Ah non, les v’là, un bon point, merci mon Dieu, Vous voyez comme je suis reconnaissant, même quand ça n’en vaut pas la peine. Aaaaaah! Impénitence finale! El mot que j’ cherchais t’t’à l’heure! Impénitent! Plus aucune idée de ce que je voulais en faire, je parlais évidemment de moi, puisque c'est mon seul sujet, mais à part ça… Bah, c'est moins grave : je me souviens au moins que ça n'avait aucune importance. Pour en revenir à mon généraliste le Dodo, le rageant, voyez-vous, c’est qu’un peu d’exercice remplacerait sans doute à merveille toutes ces drogues dont l’efficience est à double tranchant; mais il faudrait au bas mot deux ou trois heures de marche quotidienne, vu que j’ai un pied trop esquinté pour la moindre esquisse de course… et je peux pas prendre sur moi de perdre mon temps à marcher tous les jours dans cette ville de merde, sans que mes promenades aient un but précis. Jamais j’ai respecté un pareil programme ne serait-ce que trois jours d’affilée. Mais jamais non plus je ne fus si inerte. Puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit… À part mes courses alimentaires, Gibert toutes les semaines, ou les quinzaines… les mois, bientôt, où voulez-vous que j’aille? Quoi qu'on aime dehors, tordus exceptés, c'est par beau temps. Or, quand la lumière est devenue agression… À présent que j'ai rallié leur troupe, je les comprends, les volets fermés des vieillards. Mais soyons juste, je n'ai pas attendu d'être sinistré de la vue pour que rien ne m’attire au-delà de ma porte, pour que sortir exige un effort… Mon apathie ne date pas d’aujourd’hui. Ce qui me tenait lieu d’opium, autrefois, c’était la branlette. Pas le coït, qui est toujours resté assez exceptionnel pour m’empêcher de dormir, au contraire… Piètre baiseur, c’est possible, probable même, mais au moins jamais ne fus de ces mâles qui, repus, passent direct des bras de leur belle à ceux de Morphée… peut-être parce que je me sentais guetté comme je guettais moi-même. Car si Miss Paluche ne manquait pas d’avatars imaginaires (lesquels ne manquaient pas de s'insinuer dans le coït même), elle était reposante de ne pas se donner en spectacle. Mais  à présent qu’elle s’est retirée dans les Appartements  du Souvenir… je vais tout de même pas la remplacer par un vélo de salon, avec quelqu'opiniâtreté qu’eBay m’en propose au rabais. Oh, totalement, oui, disons presque, parce que des bandaisons de deux minutes qui ne débouchent sur rien, ou plutôt dont rien ne débouche que la fin d’une molle, bien molle, excitation… Tout de même, je ne le dis pas pour me vanter, mais à l’époque de la pleine vigueur je me pignolais d’une à quinze fois par jour : à présent, quoi?… D’une à quinze par mois? Et vu les retombées, la rétro-éjac, si c'est bien elle, me fait des économies de lessive! Assez de lamentations! Les trois coups de la fin sont frappés, essayons au moins de profiter du dernier acte, auquel rien n’interdit de dépasser le précédent, rien qu'en grimpant sur ses épaules. Si j'eus un jour tant soit peu de talent naturel, à l’évidence il agonise. Mais si je cherche une réponse, elle ne peut se trouver mal des impasses du passé. Le collyre a fait son office, debout! Re-bésicles, les teintées, ça va sans dire. Ho-hisse, Lazare! 

 

 

[1] Et le voici revenu, du moins en montagne : on dirait que ce ne sera pas encore pour cette année! Je me fais honte.

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