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Inventaire avant liquidation

[Projets bidons. Retour à l’ignorance et à la “nullité”]

17 Février 2018 , Rédigé par Narcipat Publié dans #66 - 67 - 68 - 69 : Indolescence - Quo non descendet? - Ultimes luluttes - Ultimes révélations?

 

    Et si j’en finissais avec cette gageure dégueulatoire du paragraphe unique? La tentation m’en a effleuré plus d’une fois, mais laissons le procédé en place, ne serait-ce que pour goûter le soulagement de s’en débarrasser. Encore avez vous échappé à la suppression de la ponctuation, au moins au sortir du sommeil… oh dis donc goulu dis donc farceur mais c’est j’ai-nial ce tiot machin-là et un poème un servi chaud par Madame la Nuit où mon ça va-t-il donc chercher tout ça les plates coutures volantes ou approchant et bran bran branlette hihihi oooh oooh y avait un crayon là dans le bambou qui se déscotche où est ce foutu crayon Il a fallu qu’une page s’écoule de ce style pour que je me dise : non, on ne sauve pas le néant du fond en épaississant le brouillard formel – ce qui bien entendu n’est vrai que si, ce “fond”, on l’a sous les yeux, dûment ponctué! Parce que, sans version de référence, vous m’en direz des nouvelles – à condition qu’il y ait encore un “vous” dans le circuit. Certes, Joyce… Pérec… quelques autres… Mais, y compris les plus célébrés, qui donc les a lus, ce qui s’appelle lus? Disons : « Pas moi », et n’en parlons plus, j’ai assez montré, passim, quel Béotien j’étais resté… Un effort? Mais encore faut-il des raisons pour le faire, et les minimales, ce me semble, c’est que le texte ait été pensé sans ponctuation, et qu’en conséquence on ne puisse la restituer à la rigueur. Cette “raison” onirique qui est claire dans son royaume, mais dont s’érodent les contours à mesure qu’on revient au mode discursif, d’accord pour en bannir points et virgules. Mais comme nous n’avons aucun moyen de la regarder en face, nous n’en donnerons jamais qu’un équivalent approximatif, dont la nécessité est beaucoup moins évidente. Et il en va de même du monologue intérieur, qui, attendu qu’il est impossible de penser et tout à la fois de s’observer pensant, relève, pour moi du moins, de l’artifice littéraire… comme toute écriture, soit, mais c’est à l’obscurité que j’en ai ici, et plus je vais, plus l’obscurité facultative et amovible, celle qui n’est pas inhérente à ma matière et ne semble destinée qu’à la brouiller, me semble injustifiable. C’est pitié de songer qu’en deux décennies que j’aurai passées à “écrire”, je n’aurai pas consacré une minute à simplifier, et surtout à effacer la trace du travail, à moins de le déguiser en virtuosité : s’il me reste un peu de cette rage de faire mes preuves, et quelques années avec des vestiges de cerveau pour lui lâcher la bride, c’est à un tourne-pages que je voudrais d’abord m’atteler, pas à un truc bien ficelé, mais vide de tout humour et de toute vérité humaine, style Agatha Christie, ni à aucun de ces “best-sellers mondiaux”, dont je ne peux pas plus m’expliquer le succès que celui de la Bible ou du Coran, mais à un frère imprévu de ce que je me plais, moi, à consommer, au point de me désoler de le voir s’amincir à droite : suis-je capable de produire ce genre de texte, rien n’est moins sûr, puisque c’est d’abord un ersatz de vie que j’y puise, et qu’il exige cette vraisemblance dissidente qui donne au moins l’impression du vu et du vécu. Or il me semble avoir peu vu, et de travers, ne cherchant qu’à être vu moi-même, et les verres correcteurs de la méfiance s’interposant ex initio; et peu vécu, pour des raisons similaires (à moins que je ne fusse, de conception, de naissance ou d’enfance, handicapé de l’affectivité) : il serait donc indispensable que l’imagination et/ou l’esprit critique suppléassent à la vie absente. M’étant assez bêtement abstenu de prendre des notes sur les méandres d’une pensée censée coïncider avec la ligne de l’écriture, je ne prétends pas, le 16 janvier précisément, m’être livré à une méditation, disons plutôt à une rêverie sur le sujet, mais comme il me sert très couramment de tangente ces jours-ci, vers l’ailleurs, le plus tard et l’autrement, résumons que rêverie ou merdiquetation ont tendance à délaisser les intrigues romanesques (qui dérivaient trop facilement vers la description d’un “type à part”, me permettant de vidanger sans trop de honte les bagatelles qu’il me coûte tant d’avouer ici) pour se scinder en deux projets de pseudethnographie, l’un très classique, qui consisterait en la découverte très progressive, par un naufragé ou navigateur solitaire quelconque, circa 1900, d’un peuple aussi isolé que peuvent l’être, à l’heure actuelle, les Sentinelles, ces fascinants lascars andamanais qui criblent de flèches quiconque aborde leur île, et ont de la sorte réussi (le sanglot de l’homme blanc venant à leur tardive rescousse via l’Inde) à survivre pendant, semble-t-il (leur langue ne ressemblerait en rien à celles des îles voisines), des siècles, voire des millénaires, ce qui atteste, vu qu’ils sont à tout casser quelques centaines (et qu’il ne saurait tenir beaucoup davantage de chassepêcheurs-cueilleurs sur leurs 60 km2), d'une surévaluation du péril que présente la consanguinité (ouvrons une dernière parenthèse pour une triste évidence : le miracle risque de ne pas durer, à présent que ces “primitifs” non immunisés, de tous connus, vont être la proie d’“aventuriers” en gilets de kevlar, à qui suffira un rhume ou une gastro pour les liquider à peu près tous : certaines photos récentes sont prises d’un peu près du rivage ou du sol, et l’hostilité des autochtones n’est pas assez évidente pour mon goût.)

    L’autre projet, à peine plus original, et, à vue de nez, plus scolaire, consisterait à décrire, à la deuxième ou troisième génération, un groupe qui se serait éloigné volontairement du narcisso-consumérisme occidental : dans les deux cas, le but serait naturellement de montrer, et d’abord, de trouver pour mon compte à quel point l’homme, sur des données physiologiques inchangées, pourrait être différent de l’égoïste-agressif que nous connaissons, soumis, depuis la plus haute antiquité et à peu près partout, à des lois et religions dont seuls s’émancipent les criminels et les dirigeants – les seconds paraissant n’être qu’une subdivision des premiers. – Eh bien, comme tourne-pages, ça se poserait là! – Effectivement, on observe comme une dérive : le n°2, notamment, pourrait déboucher sur un somnifère digne de Thomas More : il n’est pas autrement ardu de nous peindre une île où tout-va-bien, mais même si l’ennui est une notion inconnue de ses heureux habitants, le lecteur, lui, n’est pas censé partager, initialement, cette ignorance ou cette hébétude. Et je serais probablement incapable de décrire autre chose que les dégradations de cette société heureuse en direction de laquelle on a multiplié les tentatives, des phalanstères aux kibboutzim, sans réussir à vaincre l’attachement des hommes à leur ego et à leurs petites affaires, pour ne rien dire de la paresse, de la concupiscence et du goût de commander qui ont ruiné, à ma connaissance, toutes les communautés. L’île préservée serait tout de même plus porteuse, sur le plan romanesque, dans la mesure où, primo, elle présenterait, de par son dévoilement progressif, un certain mystère, et, deuzio, qu’on ne serait pas censé approuver son organisation sociale : il serait notamment difficile de proposer comme jouables des êtres qui incarnent héréditairement (même s’ils sont castrés, et, tels les Antonins choisissent leur successeur), chacun dans son domaine, la vérité, qu’elle soit passée ou future, sans qu’elle paraisse entrer, dans l’esprit des administrés, en conflit avec les faits… Mais je crains de m’être laissé aller à mentir un peu, en faisant la respiration artificielle à un truc présenté comme “en panne sine die” dans Gutstorming, piécette elle-même inachevée depuis au moins 2013! J’y repense, soit, de loin en loin, avec quelques velléités de réchauffage, mais je n’y crois pas, et mon problème, en ce 9 février, c’est surtout que je ne crois absolument plus en moi. 

– Oh! La barbe! Tu vas encore nous emmerder longtemps, avec tes dépressions? Le davier du Dr Buu, en t’arrachant une douzaine de chailles, va se charger de te faire geindre pour quelque chose! Quand donc as-tu cru en quoi que ce soit, à commencer par toi? Tu n’en as jamais eu la carrure, cette croyance ne fut jamais que reflet, même si, l’anticipant parfois, elle a pu donner une impression d’autonomie. Le soi grandiose pouvait jouer de tous ses tuyaux, il n’est jamais allé jusqu’à t’insuffler la conviction d’avoir un talent qui pût te dispenser de le feindre, par tous les moyens, y compris la copie subreptice! Le talent, tu n’as été foutu que de le nier chez les autres pour te donner une chance de les dépasser par la persévérance et les corrections inlassables! Et s’il n’y a plus d’espoir que qui que ce soit t’en trouve, eh bien, tu ne t’en trouves pas non plus, c’est tout simple. Tant que tu n’auras pas rencontré Dieu, à force de prière et pour la rentabiliser, ou le secret de vivre heureux sans valeur, en simple consommateur… Ils sont bien peu, à avoir chanté que la vieillesse soit paradisiaque, mais elle a au moins un avantage, c’est que nul n’attend rien d’elle. Nul n’attend rien de toi, pauvre con, qu’un peu de politesse ou de gentillesse que tu n’es même pas capable de fournir, que dis-je? de retourner à un envoyeur de rencontre! Tu n’es arrivé à aucune conclusion, ta fin est tronquée, l’Inventaire s’achèvera un jour ou jamais, comme des milliers de ses semblables, et ça n’a pas ombre d’importance pour un autre que toi, donc pour toi. À l’évidence il n’aurait chance d’avancer que suite à des importations, tarifées ou non, et un lascar que tout contact humain effraie un peu plus chaque jour ne s’adressera jamais à un hypnotiste en vue d’une visite à son âge tendre.

– C’est à voir. Je veux simplement éviter les charlatans, et les cessez-la-clope-je-le-veux. Je refuse toute forme de suggestion, si ce n’est, à l’extrême rigueur, celle de “me souvenir de tout ce qu’on aura déterré”.

– Oui, on le sait, que tu n’acceptes que ce qui jaillit des sources les plus profondes, autant dire : aucune règle! Pouce au pouls tout le jour, comme tu disais d’Hélène! T’as vu où ça t’a mené? Tu me rappelles cette définition de la folie attribuée à Einstein : « faire toujours la même chose, et en attendre un résultat différent. »

– Faudrait quand même préciser si c’est instable que je suis, ou entêté! 

– Tu te fais une règle immuable de l’instabilité!

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