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Inventaire avant liquidation

[Valeur du moi; une correspondante éphémère]

9 Décembre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #61 : Narcipat?

 

    L’exemple le plus constant, et peut-être le seul, que j’aie assimilé du clivage, touche la valeur du moi, celle de l’objet étant accessoire, et servant surtout à en conférer au moi, dans la mesure où ce prétendu objet est sujet. Kernberg affirme à plusieurs reprises que le narcipat se croit à la fois le meilleur et le pire, et je maintiens que c’est là une perception superficielle de nos évaluations. Nous voudrions être “le meilleur”, voler de victoire en victoire, avoir réponse à tout, ou l’emporter sur tous dans tel ou tel domaine opportunément défini comme significatif, devant un aréopage omniscient. Mais nous avons une vague conscience de nos limites, d’où des tripatouillages continuels, mon préféré consistant à passer par l’écrit, et à ne le livrer qu’impitoyablement revu et corrigé, tout en feignant de “n’avoir demeuré qu’un quart d’heure à le faire” – mais sans sérieusement rectifier de la sorte d’éventuels premiers jets vaseux, ni écarter le soupçon d’être vu médiocre, dérisoire, imbécile, par ceux qui savent, ou seulement communient au sens commun, parce qu’ils jouissent d’une mystérieuse normalité. L’exemple de la disparition de Sylvia [la seule correspondante intelligente et cultivée qu’ait récoltée mon blog en huit ans! Un peu condescendante pour mon goût, certes, mais c’est l’occasion ou jamais de la citer (sans oublier que le français était sa quatrième langue!) : « je ne crois pas à l’utilité de ces étiquettes qui sont malheureusement devenues très à la mode, notamment via le web. Le DSM, est un outil que je préfère voir entre les mains de psychiatres et même dans ce cas-là, il me semble parfois contestable, voire dangereux. La voie que je conseille autour de moi, à un/e ami/e qui veut y voir plus clair, qui a la sensation que quelque chose “ne tourne pas rond”, n’est pas celle de l’autodiagnostic, mais celle d’une analyse qui permet à l’être unique de s’exprimer. Commencer par un étiquetage précis peut limiter des voies d’accès qui réservent plein de surprises. Je veux dire par là qu’on peut très bien finir par forcer le trait, au point de ne plus voir le détail révélateur. Si j’en suis convaincue, c’est parce que je suis passée par une période, il y a quelques années, où j’ai failli m’enliser dans l’auto-analyse, sans que cette attitude ne me conduise à un déclic tant espéré. Dans mon cas, le déclic est venu après une sale rupture. […] Il a suffi que je refuse de jouer le jeu, pour que la rage et le désir de vengeance s’abattent sur moi. Ce n’est que quand le chaos s’est dissipé et les mille soucis pratiques ont été en partie réglés, que j’ai pu arrêter de m’auto-analyser pour ensuite me pencher sur les acquis d’une analyse en cours et me rendre compte du chemin parcouru.

    Ce moment-là a été essentiel pour moi. C’était comme redécouvrir un muscle un peu atrophié. Cette empathie dont on parle et qu’on met parfois en doute? L’abandon de l’hyper-rationalisation, mécanisme de défense contre le pouvoir des émotions? il y avait en tout cas une faculté mise de côté, à laquelle j’avais renoncé. Tout en formulant les choses lors des séances, j’ai décidé, dans ma vie quotidienne, d’une approche moins réfléchie, d’une sorte de tentative, de tâtonnement. C’était comme retrouver un vieux réflexe oublié. M’intéresser à l’autre davantage, sans vouloir lui faire porter l’armure de mes propres conclusions. Casser une phrase trop bien construite avant de la prononcer. Remplacer certains jugements par l’envie de me laisser surprendre, certaines remarques vitriolées par un mot d’encouragement… Je ne suis pas en train d'écrire un manuel pour apprendre à devenir Mère Thérésa et, bien que je sois consciente qu’en essayant de décrire le “processus” je donne l’impression d’avoir trouvé un bête mode d’emploi, tous ces [sic pour la lacune] ont été subtils, parfois imperceptibles et surtout, guidés par l’intuition. J’ai eu à pleurer les pertes, dans un premier temps: celle de mes illusions, de mes positions de replis confortables, jusqu’à ce que mon image de moi en soit affectée. Je ne me voyais plus immonde, ni divine. Débarrassée de ces montagnes russes de la perception, j’avais peur de ne trouver que de la médiocrité. J’ai finalement trouvé autre chose. Plus de compassion pour les autres, pour moi, ce qui m’a curieusement rendue non pas moins exigeante, mais plus précise dans mes projets, dans mes désirs, dans mes attentes. 

    Difficile de résumer en quelques lignes un processus qui a duré plus de trois ans, qui m’a demandé beaucoup d’investissement et qui est loin d’avoir été aussi linéaire que ça en a l’air. C’est d'ailleurs aussi un travail en cours et qui me passionne. Il a apporté des couleurs et des nuances qui ne faisaient plus partie de ma vie depuis un bon moment. Last but not least, il a fait naître une profonde envie de partager ces acquis autrement en motivant un tournant professionnel qui est long, ardu et sur lequel je reviendrai. » Mais elle n’est revenue sur rien, n’a pas tardé à disparaître, et je ne crois pas, pour une fois, que ma “véhémence excessive” en soit cause : la pure et simple lassitude constitue une meilleure hypothèse.] L’exemple de la disparition de Sylvia, disais-je, avec qui, tout de même, s’était fait jour un embryon d’affinités, est révélateur : dans la queue des deux jours qu’a duré notre échange [il s’est prolongé ensuite deux mois, dont un en privé], les pages lues se sont multipliées par deux : “les gens” voulaient savoir ce qu’elle me répondrait. Mais ma conviction demeure qu’ils savent tous pourquoi elle s’est tue, ce que le Prince de la Pénétration persiste à ignorer.

    Le jeu sur l’intérieur/extérieur est quelque peu opaque, puisque l’admiration d’un niais ne m’aide que maigrement à vivre, mais que je ne puis me reposer sur l’intériorité, et le seul poids, par exemple, de mes arguments. Il est très possible que le petit monde du conseil syndical me haïsse simplement d’avoir réponse à tout, toujours le dessus dans le dialogue, et ne prenne le contre-pied de mes avis que parce que ma supériorité l’offusque; ou que si l’on évite de commenter ce blog, ce soit par peur de dire des âneries et de se faire remonter les bretelles, la plupart des visiteurs, du reste, mettant les voiles au bout de quelques lignes, en quête d’un tube d’aspirine; mais impossible de me gargariser de cela dans l’intimité absolue : il me faut au moins une conscience où puisse se refléter la vision “conjuration des imbéciles”, faute de quoi elle est privée d’effet émollient, et constamment aux prises avec le revers, comme quoi c’est moi l’imbécile, chacun pouffant devant mes élucubrations et la présomption qu’elles exsudent, chez un qui n’est même pas fichu de comprendre un bouquin qu’il passe deux mois à recopier.

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