Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Inventaire avant liquidation

[Traitements proposés et pronostics corrélatifs aux cas]

1 Décembre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #61 : Narcipat?

 

    En pratique, on peut distinguer trois niveaux de fonctionnement des personnalités narcissiques. En premier, il y a les personnalités narcissiques dont l’adaptation de surface est plus efficace, et qui présentent des talents, un savoir-faire et/ou une grande intelligence qui, dans leur vie sociale, leur permettent d’obtenir des succès marquants, et leur donnent une possibilité inhabituelle de gratification grâce au succès et à l’admiration que le monde externe leur apporte. [Bien sûr, on peut considérer a priori que les “talents” et la “grande intelligence” sont toujours reconnus, et que je suis donc tout bonnement un pauvre abruti qui se prend pour un prince de la lucidité. Je ne vais pas jusqu’à théoriser, comme le proverbe chinois, qu’« On reconnaît les tours à leur ombre, et les grands hommes à leurs détracteurs », ou comme Swift mis en exergue par John-Kennedy Toole… ou comme Flaubert, passim, et tant d’autres… Non, j’ai trop besoin d’aval pour être aussi entier, et mes goûts sont bien plus “foule” que “chapelle”. N’empêche que je trouve encore et toujours ce Kernberg terriblement bourge : on dirait qu’à ses yeux valeur et succès coïncident immanquablement, qu’il n’y a pas de marge d’erreur! Il me paraîtrait (évidemment!) plus intéressant d’étudier les possibilités de gratification pseudo-interne sur lesquelles les infortunés à qui le monde externe n’accorde qu’une admiration sporadique ou nulle sont bien forcés de se replier, mais à condition de rompre totalement avec lui, qui ne veut pas entendre parler d’eux! [J’aurais pu ajouter que ce qui me turlupine dans le narcissisme pathologique, c’est avant tout le déficit de valeur personnelle qu’il entraîne ou suppose : les relations d’objet en soi, le bonheur direct que j’aurais pu en tirer, m’importent moins que la connaissance loupée par la même occasion, et je suis toujours surpris quand l’intelligence et la créativité sont abordés, comme  ici, indépendamment du trouble de la personnalité. Il est certain que me croire, ou me vouloir, supérieur à la foule, et la solitude qui en est résultée, m’ont empêché de me frotter aux arguments des autres, et ipso facto rendu, ou plutôt gardé, con; et probable que ne viser qu'à l'excellence, ou à l'effet d'excellence, n'était pas propice à une créativité authentique. Mais ces a priori restent un peu courts.]] Ces patients n’entreprennent aucun traitement tant qu’ils ne présentent aucun symptôme névrotique sérieux, aucune perturbation sexuelle ou difficulté permanente dans leurs relations intimes à autrui – dans leur mariage, par exemple. On peut dire que les bénéfices de leur maladie compensent souvent les troubles qui viennent de la pathologie de leur relation d’objet. À cause des effets dévastateurs du narcissisme pathologique sur l’adaptation aux stades ultérieurs de la vie [Je crois encore une fois pouvoir affirmer que, même si ce n’est pas exactement l’allégresse, ça se passe mieux à ce stade, quand on n’a jamais été (re)connu, et donc qu’on n’est pas confronté à lire sa déchéance dans l’œil d’autrui. [Surtout quand on s’est arrangé pour qu’il n’y ait plus d’autrui aux environs. Mais l’argument peut se retourner : je suppose que les ex-winners peuvent savourer, dans une certaine mesure, une rétrospective de leurs ex-“victoires” – quand ils ne trouvent pas matière à les dévaloriser.] Au surplus, pour qui donc, sinon les fondus aux anges de rencontrer leur Créateur, la phase terminale est-elle euphorique?], ces patients, en dépit de leur bon fonctionnement de surface, mériteraient d’être traités.

 

    Cependant, dans la mesure où la psychanalyse est le traitement de choix de ces patients, et où ce traitement nécessite une certaine motivation initiale pour résister à l’augmentation importante d’angoisse et de prise de conscience inévitable des conflits, la décision d’entreprendre ou non une analyse est parfois très difficile. Il est parfois préférable de donner aux patients un soutien psychothérapique immédiat à court terme au moment de crises aiguës puis d’attendre que l’augmentation ultérieure de la conscience de soi ou des frustrations qu’impose la vie réelle – auxquelles ces patients sont particulièrement sujets [Bah. Tu ne vois que ceux dont les défenses sont faiblardes.] – conduisent ensuite au traitement psychanalytique. J’ai acquis récemment plus d’optimisme en ce qui concerne le traitement de certains de ces patients qui entreprennent une analyse vers 40 ou 50 ans, même si la cure psychanalytique risque d’être longue. [Et à 60? Je vois bien LA psy, jeune et mignonne, de préférence, me tenir la main à mon lit de mort… Attendons encore. [Et attendons toujours… 70 en vue! Franchement, est-ce que ça vaudrait encore le coup? Même si l'on me promettait toute la vérité, je ne suis pas sûr d'avoir envie de l'entendre à l'article de la mort.]]

 

    Dans le second groupe, représentant la majorité des personnalités narcissiques qui entreprennent un traitement, les patients ont de graves perturbations dans leur relation d’objet, de l’ordre indiqué dans la définition clinique de ce syndrome. Ils présentent souvent des symptômes névrotiques associés à des difficultés sexuelles, sont perturbés par de graves lacunes, dont la capacité [sic : d’évidence, “l’incapacité”] d’établir des relations affectives et sexuelles durables, et par des sentiments permanents de vide. La psychanalyse est le traitement de choix de ces patients. Les développements récents de la technique analytique à propos de ces patients en ont amélioré le pronostic. Quoiqu’une controverse existe à présent portant sur les théories et les approches techniques du traitement psychanalytique de ces patients entre Kohut d’un côté et d’autres auteurs dont moi-même de l’autre, je voudrais souligner l’accord fondamental qui me semble exister entre Kohut et moi-même sur la description clinique du syndrome de la personnalité narcissique pour ces cas qui se situent sur le milieu du spectre, et l’accord sur l’indication évidente d’une psychanalyse. [Un accord qui n’a rien de spécialement miraculeux, puisque le traitement longue durée profite au moins (financièrement) à l’analyste, même s’il n’apporte au patient qu’un décapage de la solitude, de la déréliction et de l’épouvante.]

 

    Le troisième groupe des personnalités narcissiques est représenté par les patients qui fonctionnent sur un niveau limite manifeste, comme on l’a déjà mentionné, et présentent des manifestations non spécifiques de faiblesse du moi. J’ai proposé une approche psychothérapique essentiellement de soutien pour ce groupe. Plus récemment toutefois, j’ai acquis la conviction qu’on pouvait les traiter par une thérapie interprétante et de soutien. Cette technique d’approche nécessite que les opérations les plus bruyantes dans le transfert qui entraînent une dévalorisation du thérapeute (et une destruction inconsciente de la connaissance et de l’aide que le patient en reçoit) soient interprétées, tandis que les autres aspects du soi grandiose sont respectés et qu’un effort rééducatif progressif est fait pour rendre le narcissisme de ces patients plus adapté et “atténué”.

 

    Certains patients narcissiques au fonctionnement limite manifeste, en particulier ceux qui présentent d’intenses réactions de rage, c’est-à-dire, “la rage narcissique” peuvent exiger une approche psychothérapique interprétante; récemment, j’ai essayé d’utiliser chez certains de ces patients l’habituelle approche psychothérapique interprétante que j’ai recommandée pour le traitement de l’organisation limite de la personnalité en général. Malheureusement, leur tendance à développer de graves réactions thérapeutiques négatives entraîne souvent l’interruption prématurée du traitement. En général, le pronostic de ce sous-groupe de patients narcissiques avec une rage chronique, qui fonctionnent sur un niveau limite, est réservé.

 

    Enfin, les patients avec une personnalité narcissique et un fonctionnement limite manifeste qui présentent aussi de fortes tendances anti-sociales ont un très mauvais pronostic. C’est bien entendu particulièrement vrai pour les personnalités anti-sociales proprement dites qui, outre les perturbations et les déformations habituellement graves des fonctions du surmoi et des relations d’objet, présentent des structures défensives narcissiques typiques. [Ça se traduit par quoi, dans les faits, toute cette théorie prétentieuse? Par de prétendues améliorations des relations d’objet, obscures, ou de la capacité à dépendre de l’analyste, lequel confesse, en revanche, une impuissance totale face à un violeur ou à un meurtrier compulsif – c’est-à-dire là où les résultats, au moins, se verraient, et seraient souverainement utiles aux victimes potentielles. Après ça, étonnez-vous qu’on ne puisse plus aborder votre métapsychologie sans scepticisme! [Quant à moi, je suis une “personnalité anti-sociale”, mais inhibée, donc ne présentant guère de danger (pour les personnes et les biens, s’entend : peut-être fus-je un tueur d’âmes pour mes compagnes et relations heureusement pour elles éphémères), et j’estime que c’est une démission de l’esprit d’ajouter (“aussi”) l’anti-social au narcissisme pathologique sans chercher quels liens structurels les unissent. Dans quelle mesure le soi grandiose non-gratifié devait-il se croire au-dessus ou en marge des lois? Il serait temps de répondre à la question, au lieu de rester juché sur une prétendue logique de l’immoralisme dans un monde sans Dieu.]]

 

    J’ai déjà abordé le traitement psychanalytique des personnalités narcissiques et je ne me répéterai pas ici. La stratégie d’ensemble qu’on a décrite  lors de la discussion de la phase initiale du traitement des patients limites s’applique particulièrement au travail thérapeutique avec les patients narcissiques qui fonctionnent sur un niveau limite manifeste. Ces patients narcissiques présentent quelques problèmes techniques particuliers. Je me contenterai d’aborder ici les problèmes techniques les plus importants que pose la psychothérapie (et non la psychanalyse) de ces patients.

 

    Dans de nombreux cas, un problème essentiel est la nécessité de se centrer sur ce qui semble être une dépendance pathologique ou contradictoire à l’égard du thérapeute. Sans arrêt, le patient semble demander au thérapeute de faire quelque chose, de lui en donner “plus”, de parvenir à “de nouvelles formulations”, alors qu’en même temps il dévalorise inconsciemment le travail psychothérapique et ce qu’il reçoit du thérapeute. [Ma foi, est-il si “pathologique ou contradictoire” qu’il demande plus, estimant ne pas recevoir assez, ou ne recevoir rien?] La psychothérapie prend l’aspect d’une recherche de “nourriture magique” qui s’oppose à l’acceptation par le patient des véritables contributions du thérapeute.. Sous-jacent à ce problème, on trouve régulièrement une envie inconsciente à l’égard des capacités et des aptitudes du thérapeute, de son savoir, ses connaissances, ses convictions, et un besoin de dénaturer ou de détruire ses aptitudes dans la relation psychothérapique réelle. Ces patients tentent de remplacer les véritables contributions du thérapeute par des “contributions magiques” que, par définition, le patient peut incorporer magiquement sans avoir à éprouver aucune gratitude envers le thérapeute ou à ressentir de l’envie à l’égard de ce que le thérapeute a vraiment et que le patient n’a pas. [On voit mal en quoi, si la gratitude est à notre portée, l’on en devrait moins à la “magie” qu’aux réelles capacités et aptitudes du thérapeute; quant à l’envie, ne s’en prendrait-elle pas davantage à un thaumaturge qu’à un baratineur? Tout ce blabla se ramène, une fois de plus, à mettre l’inefficacité de la cure sur le dos de la mauvaise volonté du patient. [“se ramène” était trop dire, mais Kernberg  me paraît toujours accorder une importance excessive à la gratitude de l’analysant, comme si l’analyste était lui-même en proie à un besoin de gratification. Un apprentissage n’est effectif, selon moi, que si l’apprenant fait sien le savoir, et, “par voie de conséquence” (un peu véreuse, à dire vrai), n'en sait gré à personne.] À mesure que la “magie” s’émousse ou que finalement elle est détruite par la sensation du patient que ni relation ni travail véritablement significatif ne s’élabore pendant les séances, les exigences à l’égard du thérapeute s’accroissent, une sensation inquiétante de vide et de rage du fait des frustrations subies pendant le traitement se développe, l’envie à l’égard du thérapeute s’accentue et ainsi sont créés des cercles vicieux qui menacent la poursuite même du traitement.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article