Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Inventaire avant liquidation

[Narcissisme adolescent, 1]

27 Novembre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #61 : Narcipat?

 

    Tout ce que je viens de dire a une conséquence pour la théorie clinique du narcissisme : les considérations économiques seules (c’est-à-dire les considérations sur l’intensité ou la quantité de l’investissement narcissique) ne révèlent pas grand-chose sur la nature normale ou pathologique du narcissisme; elles traduisent simplement l’intensité du métabolisme d’ensemble, pour ainsi dire, des relations d’objet internalisées. Ainsi, l’intensité de l’investissement libidinal du soi et des objets est en liaison étroite avec les modifications de l’investissement agressif et se modifient conjointement; par conséquent, les considérations économiques doivent comprendre l’analyse combinée des liens agressifs et libidinaux. Une autre conséquence de cette analyse est que tout effort pour distinguer dans les investissements d’objets externes la part narcissique et la part objectale essentiellement par des observations sur la nature de la relation interpersonnelle entre ceux-ci, aboutirait, me semble-t-il, à perdre les aspects les plus spécifiques de la pensée psychanalytique sur le narcissisme normal et pathologique, et les remplacerait par un modèle psychosocial simpliste allant de “l’introversion” à ”l’extroversion”. On ne peut vérifier la nature normale ou pathologique du narcissisme que par l’exploration psychanalytique à la fois des relations d’objet externes et aussi des relations intrapsychiques, et par une analyse structurelle des relations d’objet internalisées, et non seulement par l’examen des facteurs économiques qui jouent sur elles.

 

    [Je me garderai bien d’accuser Kernberg de galimatias double, au sens où l’entendait Boileau. Mais il est un degré d’abstraction où l’on peut raconter n’importe quoi, qui échappe à la véri/falsification, et notre auteur s’y prélasse. Rien de plus aisé ni de plus rasoir que ces kilomètres de “modélisations” sans le moindre aperçu des faits dont elles rendent compte. Et le plus souvent, quand les philosophes et autres théoriciens condescendent à l’exemple, on est surpris de le voir si simplet, si peu pertinent, si sommairement analysé. Il est donné à tout le monde de tirer une idée générale de plus, mais autrement ardu de montrer en quoi elle s’incarne dans un cas précis.]

 

D. APPLICATION DIAGNOSTIQUE DE CETTE CONCEPTUALISATION DE LA PATHOLOGIE NARCISSIQUE

 

    La différenciation entre les développements narcissiques normaux et pathologiques de l’adolescent constitue un problème pratique important. Deutsch et Jacobson ont souligné que, au cours de l’adolescence, il y a une augmentation des manifestations du narcissisme. Il me semble qu’on doit comprendre cette augmentation non seulement en termes quantitatifs mais aussi en termes qualitatifs – c’est-à-dire selon le continuum des différentes constellations d’investissements de soi et d’objet telles qu’elles apparaissent dans la structure intrapsychique de l’adolescent. [Savoir si les narcipats ont une adolescence? Et un âge adulte? On risque de s’enfoncer dans la crème à tartes, puisque, pour deux bons tiers des “fins psychologues”, “le grand secret des hommes”, c’est qu’ils sont restés des enfants. Mais pour ma part, même si je ne saurais me prononcer avec précision sur mon âge affectif, il me semble n’avoir pas fondamentalement (ou structurellement) changé depuis l’enfance, et j’en prendrai pour signe, sinon pour preuve, la pérennité des blessures narcissiques “hypothétiques” infligées par le spectacle probable de ma “bêtise” à quinze, douze ou dix ans : je n’éprouve pas, pour mon ignarrogance d’alors, ombre de cette indulgence amusée (ou émerveillée) qui est de rigueur devant les mots d’enfants. Corrélativement, il m’est impossible de nimber des souvenirs d’enfance d’une aura d’innocence ou de raison, comme la plupart des mémorialistes : je ne parviens à faire revivre qu’une comédie, et une comédie mal fichue, car mal informée : quoi de changé, sinon un zeste d’illusion d’avoir amélioré mes ruses par l’étude du vraisemblable? À condition d’oublier que plus je m’améliore, plus je merde… L’adolescence, pour moi, ne fut rien d’autre qu’une libération formelle dont je n’ai rien su faire, sinon m’installer dans la solitude, et apprendre, tardivement, à me branler, pratique sexuelle qui demeurerait toute ma vie la principale, de rares liaisons ne servant que d’annexe. Quand je connus l’étreinte pour la première fois, à 25 ans, j’avais eu tout le temps de solidifier mon château de nuages, en marge du genre humain. Les filles n’étaient pas pour moi, c’est un miracle que certaines ne s’en soient pas aperçues! On ne se remet pas d’une si longue attente. Mais évidemment,  le mal vient de plus loin. [Et cette digression ne plus loin encore : la sabrer? Au moins, elle est vivante.]]

 

    D’abord, la manifestation la plus normale de l’augmentation du narcissisme chez l’adolescent est l’augmentation de l’investissement libidinal du soi sous la forme d’une préoccupation de soi, d’une sollicitude accrue à l’égard du soi, et de fantasmes grandioses, exhibitionnistes ou tournés vers le pouvoir, qui traduisent tout à la fois un changement quantitatif de l’investissement libidinal depuis des représentations d’objet vers des représentations de soi et aussi un changement régressif, qualitatif, vers des relations plus infantiles entre le soi et l’objet – par exemple le désir infantile d’être aimé et admiré par la mère.

 

    Un second type, plus pathologique, d’augmentation du narcissisme de l’adolescent traduit une identification pathologique du soi aux objets infantiles, et la recherche d’objets qui représentent le soi infantile. Comme je l’ai mentionné auparavant, ceci diffère de l’augmentation normale au début de l’adolescence des choix d’objet qui présentent des traits similaires au soi tout en investissant toujours ces objets d’un authentique intérêt et amour : dans ce dernier cas, il y a un amalgame entre les investissements narcissiques et les investissements orientés vers l’objet. À l’opposé, dans des développements narcissiques plus pathologiques, la projection du soi sur l’objet remplace le lien objectal, tandis que le soi, dans son interaction avec cet objet, représente l’objet de la relation objectale infantile internalisée et réactivée. Certains comportements homosexuels de l’adolescence sont en rapport avec ce type de régression narcissique.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article