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Inventaire avant liquidation

[Introduction à la fin]

20 Décembre 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #62 - 63 - 64 - 65 : Mimi Sido Popo - Le traumatisme de la naissance - Le complexe de Caïn - Paul-et-Pierre

 

MIMI, SIDO, POPO

 

    Le déconnogramme? Mis à jour. Les boîtes postales? Vérifiées : aucun courriel personnel, comme prévisible. Parano deux? Enligné sa 34ème portion, après un coup de peigne provisoirement ultime. Le déconno? Remis à jour. Narcipat? Corrigé dix (petites) pages, non sans excursions dans la prétendue actualité gratuite dont un ding! me signale l’irrégulière arrivée, et qui pour moitié consiste en nouvelles de stars dont le nom même m’est inconnu : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Cunégonde Dongacul! » Vite fait, à moins qu’on n’annonce des photos salaces; car un je ne sais quoi a survécu à l’andropause. En revanche je ne manque pas un “rebondissement de l’enquête” sur un homicide ou enlèvement de fillette, passant de Fiona à Maëlys [1] sans m’affliger du peu, mais avec une avidité de mouche à merde. Les nuages noirs qui planent sur la qualité de la vie sont plus difficiles à traquer, mais je n’ai pas loupé hier l’annonce d’un durcissement “européen” de la loi scélérate sur le contrôle technique des bagnoles, ouvertement destiné, selon la périphrase pudique du journaleux, à “rajeunir le parc automobile français”… Décidément, je ne tiendrai plus un volant… Mais arrêtons-nous avant de prendre la route des lieux où nous n’irons plus, cessons de chercher des niques de viroune jusque dans l’énumération d’icelles… En avant… Harche! Nous sommes le 12 octobre 2017, il est neuf heures et demie, et j’ai commencé le finale de l’Inventaire… en amusant le tapis. « Finale, chez petit compositeur, toujours mauvais », disait Antoine Goléa du second quatuor de Borodine, un jour où la Tribune des Critiques de Disques déférait à un éphémère impératif de concision. Grand ou petit, il est rare en tout cas que ce soit le plus beau mouvement, peut-être parce que, de par la loi non écrite de l’ascensionnel, on attend de lui qu’il laisse sur l’impression la plus forte, ce qui paralyse la créativité, et rabat le compositeur vers les sentiers battus. Or ce qui, pour la musique, ne relève que du possible, combien c’est plus vrai en littérature, et singulièrement d’un ouvrage comme le mien, dont on attend (façon de parler!) que la conclusion résume et transcende explicitement tout le “chemin parcouru”! Hélas, je crains que ça ne se dessine dès la pénultième ou bien plus tôt, il n’y a pas de “chemin parcouru”, tout ce que j’ai tapoté sur moi-même et ceux qui me ressemblent, à quelques nuances près ici ou là, je le savais, ou, mollo! le pensais, l’avais dit, ou l’aurais pu, une, dix, vingt, souvent trente ou quarante années avant de commencer! Et, plus que parfois, l’avais déjà écrit; d’autres aussi, sans doute, mais n’ajoutons pas “mieux”, car cela, sauf exceptions, je l’ignore. 

    Lorsque vous avez, cinq ou six ans, agité en vain vos petites ailes sur le sujet qui vous tenait le plus à cœur, il faudrait être fada pour espérer une lévitation in extremis. Y ai-je seulement cru un instant? Que j’allais me comprendre, des pantoufles au bonnet de coton, et que du coup mes angoisses, mes inhibitions et dysfonctionnements divers partiraient en fumée? En commençant, peut-être un peu… En chemin, il me semble avoir progressé vers une sagesse qui n’est guère qu’une sœur jumelle de la résignation. À ne pas savoir. À ne pas changer. À ne pas percer. Mais pour prendre acte de cette dernière, attendons au moins la disparition définitive du vrai ou faux L*** [3]: tant qu’il survivra parmi mes BOTI (et les interventions étrangères sont si rares qu’elles s’éternisent dans le subconscient), comment être certain que la prétendue résignation n’est pas un pseudo de l’espoir impénitent d’aval?

    À l’aval (ou au rejet) aurai-je au moins fourni matière, mais il faut convenir qu’une fois le premier tiers passé, entre la copie pure et simple du Cacatalogue et la prétendue “création réactive” des essais et retouches de costards tout faits, l’extraction de cette matière n’a guère demandé de courage, ni de grands efforts du ciboulot, notamment aucun ou quasi de composition, tâche que je redoute entre toutes, l’éprouvant comme la plus sujette aux affres de la contingence. La peur de m’exposer aux rires en écrivant des conneries, constamment ravivée par celles qu’émettent les uns et les autres, par les sarcasmes dont ils se couvrent mutuellement, et par la conscience aiguë et taraudante de n’avoir, pour ma part, jamais rien sérieusement potassé, est certes plus violente; mais les tourments de la composition impossible sont sans fin pour un bonhomme qui habille de raisonnement des intuitions, tout en estimant qu’elles n’ont de valeur que par les rapports qu’elles dénichent, lesquels jouent en tous sens, et ne peuvent que fictivement emprunter l’apparence du linéaire. L’illogisme m’afflige, surtout quand je le vois grouiller dans une page vingt fois corrigée, mais la description d’un organisme plus ou moins vivant n’est pas une démonstration – ni pour autant un vagabondage : qu’il s’agisse de logique interne ou de simples commodités de présentation, il s’impose qu’on devine, juste ou faux, au moins un ordre : méandrer au hasard des connexions de mots ou d’idées mène trop vite à l’illisible pour que la suite ait la moindre importance, du moins pour qui n’a pas déjà pignon sur rue. Or l’agencement d’un autoportrait (ou de sa conclusion, censée en reprendre l’essentiel) n’est pas fourni par sa matière, et il convient de le choisir judicieux, c’est-à-dire laissant le moins de contenu possible à l’écart, tout en évitant au mieux les répétitions : immense difficulté déjà, sur laquelle Otto et Oriane se sont successivement cassé le nez, alors qu’ils n’avaient qu’à décrire un type, sans trop se soucier des détails qui sortaient du cadre, et que je suis forcé, moi, d’inclure, le moindre élément que j’élimine faussant la compréhension libératoire à quoi, par inertie peut-être, je ne puis me départir tout à fait d’aspirer. 

    Il n’existe pas de dispositio parfaite, je ne donne pas dans ce panneau : même si c’est la moins mauvaise qu’on désigne par là, ce n’est et ne restera que la moins mauvaise de celles qu’on aura trouvées; et le travail qu’exige cette recherche préparatoire, force m’est de constater 1) que je m’y essouffle vite; 2) qu’il n’est pas praticable sur ordi, à moins que je n’aie pas trouvé les logiciels ad hoc, ou pas su m’en servir : rien qui l’emporte en tout cas sur une grande feuille de papier, un crayon et une bonne gomme; 3) que si mes plans, esquisses et synopsis ont une vertu, c’est celle de tuer ce plaisir d’écrire qui n’est déjà pas si vif quand les conditions en sont réunies, mais qu’exclut quasiment l’alignement sur un pré-pensé… supposé du moins que j’aie poussé assez loin l’expérience. Mais en vérité, je la pressens comme si je la vivais : parfois je me demande si ce vice ne serait pas responsable, plutôt que mon prétendu défaut d’empathie, de l’échec des deux tiers de mes romans; mais la corvée de coucher sur le vélin un truc à moitié écrit dans ma tête ou mes fiches excite une répugnance où je veux voir un présage de fiasco : il faut que du neuf surgisse en route, ou l’aspect cadavérique de l’ensemble est… bah, qui sait, pas si garanti que ça, peut-être? L’improvisation fut toujours mon péché mignon, et elle ne m’a pas si mal réussi à l’oral pendant vingt ans, soit, mais avec au moins la sécurité d’un vague canevas, d’une page d’auteur, d’une simple liste de racines grecques ou de tournures de style, prétextes à digressions sans frein. En outre, les mots s’envolent : ça nous coincerait la glotte qu’ils dussent rester. C’est égal : il faudra, un de ces quatre, faire l’expérience de savoir où je vais avant de démarrer, quitte à scier le sens d’y aller.

    Surprenant optimisme : de quoi donc s’étaie la hardiesse de présumer qu’une étincelle luit encore dans ce four noir où rien n’a cuit depuis, facile, trois ans et demi, c’est-à-dire l’ouverture du Cacatalogue? Mais que dis-je? Ai-je, depuis ce Pointeur de 2002, que je tenais pour pis-aller en cours même de rédaction, achevé un ouvrage d’un peu longue haleine? N’est-ce pas la plus belle facette de mon mal, comme qu’il faille le nommer, que ces deux syllabes, demain, gardent une part de leur talisman? On a beau claquer de plus en plus vieux, il faut de l’aplomb, à 67 berges, avarié du bidon et déjà moisi de la coiffe, perdant chaque jour un souvenir et trois noms propres, achevant sa Somme par un long glissando vers le radotage absolu, pour tabler encore sur les livres à venir! Mais laissons-les, la page absolument blanche ne reviendra que trop tôt, pour l’heure l’angoisse du plan me sera allégée par l’approche génhypothétique que j’ai décidé d’adopter, et qui implique au moins l’épine dorsale d’un ordre chronologique, mettons, souple.

 

 

[1] La fabrication d’un tueur en série, avec un type auquel, coupable ou non, la justice ne reproche que de refuser d’avouer, est fascinante au jour le jour, et confirme la chance que j’ai eue, moi qui n’ai jamais d’alibi, qu’il ne se soit jamais rien passé dans mon voisinage. Soupçonné de vingt meurtres! Naturellement, pour “les internautes”, c’est-à-dire l’ignoble escouade de buveurs de sang qui commente ces articles sur le Web, l’affaire est dans le sac. Alors qu’elle révèle avant tout un nombre de disparitions inélucidées qui n’est sans doute pas plus élevé en Rhône-Alpes que partout ailleurs. On dirait que ces “enquêteurs” ont pris à tâche d’appuyer les deux intuitions fort discutables sur lesquelles j’avais bâti mon premier polar : le “vrai coupable” est un mythe, un simple produit que les “forces de l'ordre” sont tenues de livrer au public pour le dissuader de méfaire ; MAIS il existe, en activité, un certain nombre de tueurs compétents, qui savent se débarrasser des cadavres, et n’ont aucun désir de se faire pincer. [2]

 

[2] Et Lelandais, en ce 14 février 2018, paraît s'y ranger, bien qu'on s'explique mal pourquoi il se serait décidé à avouer. Pour le moment, au lieu d'effacer ma note, ou, pis encore, de prédire après coup, inscrivons à notre passif cette nouvelle défaite d'une intuition décidément “maîtresse d'erreur et de fausseté” : depuis le temps, je devrais avoir appris à fermer ma gueule chaque fois qu'une vérification est possible, ou, tout simplement, qu'il ne s'agit pas de moi – sur lequel, du reste, je me trompe sans doute tout autant.

 

[3] Il n'a tout de même pas tenu jusqu'à l'hiver.

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