Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Inventaire avant liquidation

[Agressivité, lâcheté, nullité]

19 Juin 2017 , Rédigé par Narcipat Publié dans #59 : Pervers narcissique?

 

    La relecture de ce portrait et de mes commentaires est, comme il fallait s’y attendre, passablement déprimante : ça ne manque pas de verve, par endroits, mais pas une minute je n’ai joué le jeu, n’ai essayé de me voir par les yeux d’Hirigoyen, pas plus qu'auparavant de Kiley. Il me semble que le SPP aussi bien que le PN sont des facettes d’un même psychisme, abordé ici par les relations concubinales, alors qu’il l’était là par l’immaturité; bien des éléments essentiels manquent, et il ne m’appartient pas de tenter la synthèse, puisque presque à chaque page, les corrections sont irrésistibles. À quoi ça rime, de toute façon, de chercher si je suis conforme à une fiche signalétique? Eh bien, je ne me fous pas tant que ça d’identifier “mon mal” dans un tableau nosographique : ce qui m’intéresserait d’abord, bien entendu, c’est que le modèle, de par la multiplication des points de conformité, m’amenât à réfléchir soit sur des éléments que je n’aurais pas notifiés, soit sur une liaison entre eux qui ne me serait pas venue à l’esprit (ou que je n’aurais pas trouvée ailleurs!); mais pour cela, il faudrait consentir à suivre des maîtres, ne serait-ce que sous bénéfice d’inventaire, et ces gens-là sont tout de même trop grossiers et simplistes pour que je me couche sans arrière-pensée sur leur billard.

    Sur ce billard-ci, c’est surtout à la haine, au sadisme, à la volonté de nuire que je m’achoppe, alors que je trouverais flatteur de me voir en sombre chevalier du néant, plutôt qu’en nombriliste dépendant et geignard, qui ne sait abhorrer que les gens qui le méprisent ou le piétinent sans le voir, et se réconcilie avec quiconque daigne lui faire un sourire; qui n’éprouve à faire souffrir que le mince et fugace plaisir de compter un peu. L’agressivité, soit, est toujours prête à bondir, mais largement histrionique et préventive : je m’obstine d’ailleurs à penser que ce dont on nous fait une pulsion primaire prend toujours source dans la peur. Peur de l’Autre, des blessures, du viol et de la mort qu’il pourrait nous infliger; peur surtout, dans mon cas, des blessures et de la mort psychiques, consécutives au refus d’aval. Ah, je compte pour du beurre? Prends ça dans les gencives! Tu l’as senti, mon gros néant? C’est, pour simplifier, à l’autosatisfaction que je m’en prends, et la seule façon, quand l’intimité se resserre, d’échapper à mes analyses, pointes et quolibets, c’est de se vilipender soi-même – de façon convaincante, s’entend, parce que les rigolos et plaisantines qui battent leur coulpe d’être imprévisibles, trop crédules ou trop entiers, and all this stuff, faites confiance, ça va être leur fête! Mais doucement les rodomontades! Car il se pourrait bien, au presque contraire, que la meilleure défense, face à moi, fût l’attaque, ou au moins la démonstration de force, et que je file doux avec ceux qui m’ont laissé entrevoir qu’ils ne se laisseraient pas marcher sur les pieds. Certes, j’aimerais qu’il en fût autrement, et je ne crois pas avoir de dégonflage public à me reprocher pendant les quarante dernières années, mais, comme dit Rose Delaunay, « le vrai est comme il peut », et le vrai, c’est que j’ai un cœur de lièvre, et qu’au moindre risque de morfler je me rencogne dans mon terrier. Pusillanimité dont je me tiens bien plus mal quitte que d’une éventuelle haine, de la propension au dénigrement que je partage avec mon père, et qui chez lui m’irritait si fort (mais c’est qu’on ne pouvait tirer aucun profit de ses critiques sottes et stéréotypées), et de ce que la presque totalité des gens qui m’ont côtoyé stigmatisèrent sous le nom de “violence“, de “méchanceté”, de “sadisme”, etc. Lors d’une accalmie entre deux querelles, Anne n’hésitait pas, s’il fallait me résumer d’un adjectif, à choisir “cruel”, et le comble, c’est que je m’en sentais flatté, car il connotait une efficience que “crétin”, “minable”, “passif” ou “dérisoire” n’eussent pas comportée. De là à supposer que je fuis dans l’agression le fantôme du non-être, voire l’attrait de la soumission…

    « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît » : notons tout de même d’emblée que je me conforme à ce principe au moins en ceci, que ma hantise est d’être négligeable, inexistant, sans pertinence et sans intérêt, un déchet, et qu’à moins d’une extrême contention d’esprit (ou alors à mon insu) je ne jette personne à la poubelle : il est presque sans exemple que je ne réponde pas à une lettre, ou que, si l’on me signale qu’on a fait un tableau, une chansonnette ou un enfant, je ne demande pas à les voir. Et si ça m’arrive, c’est pour rendre un coup. Il faut vraiment qu’un cas me paraisse désespéré, une surdité totale, pour que je renonce à discuter : en sept ans, j’ai reçu quatre équipes successives de Témoins de Jéhovah (mes seuls visiteurs) et si je ne leur ouvre plus depuis huit autres, c’est qu’ils sont bouchés à l’émeri, inentamables. On m’a parfois accusé d’être méprisant; et ça me plairait bien, mais je ne sais que faire semblant : en réalité, il n’est absolument personne d’assez pitoyable, d’assez déchu, pour que l’opinion qu’il emporte de moi m’indiffère. Quand mon bleurgh pêche un jour quinze lecteurs, et revient à trois le lendemain, ce qui signifie que les douze autres n’ont pas aimé, j’ai beau grommeler que ces douze-là sont probablement illettrés, cons comme des balais, bien-pensants, ennemis de la libre réflexion, mis en fuite par la masse du texte, sa compacité ou son opacité, j’ai l’âme en berne. Je citais cinq mille pages plus haut un “merveilleux mot d’Anna de Noailles” : « Tout le monde peut m’empêcher de dormir », mot qui entre-temps est devenu de moi, vu que Gogol ne le trouve pas dans ses archives, et que je n’ai aucun souvenir d’où j’avais pu le cueillir. Du coup, cet aveu de faiblesse me plaît nettement moins, mais il est demeuré exact, même si ce tout le monde a pratiquement disparu. Je théorise que me donner droit au mépris, c’est l’accepter à mon encontre, et que, paralysé des premiers pas, il est de mon devoir d’accueillir quiconque les ose; mais c’est faire de nécessité devoir, car l’Autre compte, quel qu’il soit, même quand je fais tous mes efforts pour l’éliminer.

    Je suis assez peu sensible aux outrages, aux perfidies pourpensées (qui sont au reste fort rares dans une vie couleur d’eau de vaisselle) et même aux accusations les plus implacables, dès lors qu’elles se donnent la peine d’aligner leurs attendus. Ce qui me déglingue, c’est la condamnation qui ne s’étaie d’aucune raison, qui va de soi, et le plus souvent ne s’exprime pas. C’est le type qui me coupe en pleine tirade pour s’adresser à un passant ou donner un coup de portable. C’est ceux qui rient quand je suis sérieux, ou haussent les épaules quand je blague, tous ceux qui ne répondent pas, étant sous-entendu que mon propos ne mérite pas de réponse. Les offenses qui m’écorchent sont le plus souvent inconscientes : on me marche dessus sans m’apercevoir, on ne tient aucun compte de moi; et point n’est besoin de signaler que cette polarisation instinctive de la sensibilité est grosse de conflits, avec un entourage, tant qu’il s’en est trouvé, ou tel qu’il se reforme en des occasions exceptionnelles, peu enclin (on le comprend!) à se confesser coupable (car je ne lui demande rien d’autre, même pas de réparer) de ce qu’il n’a pas remarqué, a fortiori voulu! Bien sûr, je ne saurais jurer que ce que je reproche aux autres, je ne le perpètre pas moi-même, puisque précisément j’en serais inconscient. Mais ça m’étonnerait, et force est de constater que les griefs qu’on m’adressait prenaient plutôt pour thème : « Oublie-moi! » que « Tu m’as oubliée ».

    Je me répète, mais c’est important : l’agressivité même la plus vacharde révèle une considération pour sa “victime” dont le mépris est exempt. Peut-être a-t-elle la peau trop épaisse, l’estime de soi trop profonde pour le remarquer? La plupart des nanas que j’ai connues, pourtant, en jugeant normal (« j’aipaxa à faire! ») de laisser un courrier sans réponse quinze jours ou un mois, pétaient un plomb dans les 48 plombes si, en serrant les dents et en comptant les minutes, je m’efforçais de leur rendre la pareille, et il m’étonnerait fort qu’il existe des gens assez sûrs d’exister pour ne pas s’offusquer in petto quand on traite leurs répliques comme “des sons qui frappent l’air” ou une merde qu’on enjambe, ce qu’on me fait chaque fois que je sors de mon trou, et que je ne fais jamais.

– Non, toi, t’accuses de bêtise, d’ignorance, de muflerie… quiconque est jugé digne d’accéder à mieux qu’à une politesse de surface. Tu dis aux femmes qu’elles sont laides, alors que tu reconnais toi-même que c’est une infamie, puisqu’un visage ne peut guère changer qu’en pis… C’est une condamnation à vie!

– Je l’ai fait une fois, Kapok se présentant sous une identité d’emprunt : j’ai trouvé de bonne guerre de parler d’elle comme à un tiers…

– Et Leïla?

– Je ne l’avais même pas vue! La photo était floue! Elle me sortait je ne sais quel laïus sur les codes qu’elle ne connaissait pas en France, et qui expliquaient son insuccès… Ça me fait bouillir, ce genre de conneries! J’ai simplement émis l’hypothèse que peut-être, une explication plus simple…

– Et Julie? Et C[…]? Elle avait signé un pacte tacite, celle-là, sans doute?

– Tu ne t’imagines tout de même pas que C[…] aille lire mon blog?

– Le risque existe. Tu n’es même pas capable d’effacer ce genre de saloperie d’une prose que tu mets en ligne…

– Et qui est universellement ignorée.

– Et le mérite, comme tant d’autres.

– Un peu moins que certaines, peut-être… Et tu vois bien toi-même que l’antidote est jointe au poison.

– Ce que je vois surtout, c’est que tu es l’agresseur! Voilà un mois que tu consacres à mettre en pièces un bouquin sur la paranoïa

– Oh! Mettre en pièces…

– Dans la mesure de tes faibles forces, s’entend. Tes arguments brillent davantage par leur méchanceté que par leur à-propos. Qu’est-ce que t’a fait l’auteure, donc? En quoi t’a-t-elle attaqué?

– Ça se discute. Personnellement, en rien. Mais en tant que paranoïaque, je me sens attaqué à quasi chaque page par sa bêtise et son ignorance arrogante.

– Et surtout par un savoir possible qui t’enserre et reste hors de portée.

– Un savoir qui n’existe pas, ou du moins qu’elle ne possède pas. Elle expliquerait un peu plus les obscurités, et un peu moins le rudiment. Non, c’est une conne, aucun doute. Mais moi je prête le flanc, par l’infraction au copyright, et surtout par l’iquement incorrect : je n’ai pas peur d’être défoncé, mais dénoncé. D’ailleurs, c’est au texte que j’en ai, pas à la personne. Et il me paraît en un sens honnête de recopier tout ce que je commente. Au moins je fournis tout le dossier, si quelqu’un passe par là.

– La probité même! N’empêche que les réponses ad rem sont noyées dans les agressions ad mulierem, et que le tout va jusqu’à la frénésie. Alors, l’agressivité, fille de la peur... de quoi, ici? De l’agression? D’une femme qui ne sait même pas que tu existes, et ne risque guère de l’apprendre par ce canal?

– C’est de l’autodéfense. Son bouquin m’agresse, je te dis, et d’autant plus hargneusement que je ne peux pas lui répondre, faute de tribune.

– Et du moindre courage, tu oublies de mentionner ça. Tu l’aurais là, face à toi, lors de quelque débat post-conférence, tu n’oserais pas desserrer les dents.

– Probable, oui. Je suis d’une lâcheté abyssale, et elle ne cesse de s’aggraver, avec la conscience d’être nul, et de l’avoir toujours été.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article