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Inventaire avant liquidation

[Obstacles au parler-vrai; une mentalité de menteur]

13 Juillet 2015 , Rédigé par Narcipat Publié dans #3 - 4 - 5 : Comment commencer? - Esquisse de l'outrecuidance - Mentir et se mentir.

MENTIR ET SE MENTIR

 

     Il est des sujets sur lesquels moindre accroc à la bien-pensance vous vaut l’ostracisme, souvent la cloche, parfois le lynchage, sur lesquels la recherche même de la vérité est interdite de par la loi… Mais le pluriel noie le poisson, notre époque ne connaissant de tabou infrangible que celui qui touche au pouvoir juif et à la “shoah” qui lui sert de socle, tabou d’origine oligarchique, auquel les masses ne se soumettent que par hébétude, et avec un scepticisme grandissant, nos insatiables maîtres ne pouvant s’empêcher d’exiger toujours davantage de fric, de Respect et de soumission, et dévoilant leur face grimaçante à quiconque possède encore des yeux pour voir :  Internet a desserré le corset, il est ardu [1] de mettre en œuvre, une censure world wide, et les temps ne sont pas éloignés, ce me semble, où journalistes, profs et politiciens se retrouveront seuls à répéter leurs mantras, à fulminer leurs excommunications à l’esbroufe, dans l’indifférence générale, que l’abus de répression pourrait bien transmuer en haine. Messe et dîme obligatoires exaspèrent dangereusement un peuple athée ou seulement agnostique. Cela dit, la libération reste hypothétique, et si je comptais publier mon factum dans les dix ans à venir, il faudrait impérativement raturer ces lignes et m’abstenir d’un chapitre sur l’antisémythisme. Thème marginal dans un autoportrait? Ça se discute, car en dépit de la conviction que j’affiche et qui m’habite en ce moment, la pression médiatique ne saurait me laisser indemne, et je ne suis pas sûr du tout d’avoir raison : les thèses avec lesquelles je flirte depuis vingt ans, sous bénéfice d’un inventaire impossible, pourraient être caractéristiques d’une paranoïa, signes d’une monstrueuse carence morale et affective – pas tout à fait inguérissable, à en juger par les pleurs de repentance et de désolation dont je trempe, en feuilletant le Mémorial des enfants juifs déportés, tous ces visages de fillettes adorables, qu’on n’envoyait certes pas en ex-Pologne pour bosser, et qui n’en sont pas revenues.

     La transition s’offre, saisissons-la, bien que le parallèle boite, puisque l’interdit qui frappe la pédophilie paraît plutôt d’origine populaire, et quasiment concédé aux masses par les élites en échange du premier; puisque surtout, sans progéniture à défendre, sans sanctifier l’Enfant, sans assimiler les caresses au viol et au meurtre, j’adhère éperdument à cette religion-là. Soutenir que si le Christ était fille, et avait la tête de Marie, ma petite voisine, ou de Brigitte Fossey dans Jeux interdits, je n’aurais pas renié la foi de mes pères, relève certes du registre de la blague, mais racinée dans un penchant… qui, quoique sentant en soi le fagot par les temps qui courent, ne risque pas de me porter à l’éloge de pratiques que, tel le beauf moyen, je juge indéfendables : bien conscient que les traumatismes prennent source dans le blâme social et la loi, il ne m’en paraît pas moins ignoble d’y exposer un gosse, même consentant, même demandeur, a fortiori en lui faisant subir des assauts qui ne sauraient lui procurer de plaisir : en dépit de celui que m’a donné leur correspondance plaisamment cryptée, avec ses dattes et ses couronnes, je n’aurais pas hésité à coller cinq ans de ballon ferme aux immondes Montherlant et (encore lui!) Peyrefitte, qui profitaient des années noires et du rationnement pour draguer et enculer des gamins affamés.

     Voilà pour le délit d’opinion. Quant aux actes, j’en ai peu à taire, n’ayant guère agi, et trop péteux pour bafouer grièvement les lois. Je me garderais sans doute de clamer Urbi et orbi que ma cheminée n’a pas subi de ramonage, ni ma bagnole de contrôle technique, ou que je vais empletter mon tabac en Espagne, et le planque dans la roue de secours, bref que je vis dans l’illégalité bénigne, comme les neuf dixièmes de mes contemporains : tous ces règlements, que multiplie “l’Europe”, ne sont conçus que pour remplir les poches des industriels et des margoulins, en nous obligeant à consommer, et ce que j’épargne n’est rien, au regard de ce qu’on m’arrache. Je n’ai tué personne, volé que des brimborions, et mes deux ou trois détournements de mineures tenaient plutôt, attendu les forces en présence, du détournement de majeur : sauf rares et insignifiantes exceptions, mes infractions à l’Éthique ne figurent pas au code pénal, et, pour l’essentiel, c’est bien moins du peccamineux, que j’ai à regarder en face, que du misérable et du ridicule.

     D’autre part, comme il serait difficile de parler de son cas sans aborder celui des autres, il faut noter l’avantage d’être à peu près privé de proches, donc de quiconque à ménager. Mes parents sont au bord du gâtisme, à quelques pas du décès, il est exclu qu’ils me lisent, à moins qu’un perfide ne leur transmette le texte, pour me faire déshériter, mais il perdrait sa peine, car c’est probablement chose faite depuis un bail, ou impossible de par la loi. Pour le reste, je ne conserve de relations qu’avec ma sœur, à raison de quelques heures de rencontre par an, et de quelques lignes de réponse à mes courriels, eux-mêmes très espacés. Mes voisins risquent de me faire la vie dure si je leur taille un costard, mais comme ils sont pour la plupart littéralement illettrés, le péril est mince. Pas un être dans le présent, et bien peu dans le passé, à qui crier comme Aristote : « Ô mes amis, il n’y a pas d’amis! » Personne à remercier, dans une de ces longues listes d’aknowledgements qui offrent parfois un si plaisant contraste avec le pessimisme du texte : l’Homme est pourri à cœur, sauf… ma femme, mes gosses, mes vieux, mes potes et mon éditeur! Ha ha. Mon inaptitude à la reconnaissance pourrait bien constituer une tare, du moins m’est-il loisible de me poser cette question-là et toutes les autres sans souci d’égards ciblés. Oui, j’aimerais être aimé, ou (à défaut?) admiré, mais par des inconnus, avec lesquels on ne peut user que des captationibus benevolentiæ les plus générales, qui prennent le narcissisme à rebrousse-poil : je présume que tous ces panégyriques de La Femme n’ont jamais permis d’en emballer une, si c’est bien leur crypto-propos, et que « les Français ont oublié d’être bêtes » n’assurera pas une voix au faux-jeton qui le profère, chaque électeur considérant ses compatriotes comme un ramassis d’imbéciles, et s’exceptant du lot. Extrapolation projective, soit, et qui mérite examen très critique, étant opérée sur la base d’un ego qui n’a jamais voté! Mais où diable?… Ah oui : le besoin de me présenter en beau ne lâche pas pied, mais il est plus aisé à combattre quand les spectateurs habitent le pays des chimères, et il a d’autant moins tendance à s’écarter du réel qu’on ne sait que forger, quand on ignore pour qui.

     Je suis un menteur invétéré, au point que, quelque question qu’on me pose, quand on me prend à l’improviste, c’est du faux qui jaillit le plus spontanément; ça tient pour moi du réflexe, d’en remettre, d’ajouter à mes “performances”, ohparfois un rien, mais quelque chose, même quand il s’agit de futilités telles que mon poids, la longueur d’un trajet, le nombre de yaourts avalés d’affilée, ou de jours passés dans mon clapier sans voir une tête : à proprement parler, je ne me vante plus, puisque de tels exploits ne dessinent pas un mérite, ou si discrètement! mais je n’ai pas de peine à reconnaître, dans ces exagérations systématiques, les héritières directes des vantardises d’antan, avec cette nuance toutefois qu’en m’attribuant 50 kgs quand c’est 54, 12000 bouquins quand j’en ai onze, ou un record de 25 branlettes en 24 heures au lieu de 18 ou 20 effectives, j’ai aussi l’impression de dire plus vrai qu’un réel présumé, quel qu’il soit, insuffisant. Ce que je devrais être, ou aurais dû faire? Rien ne me met à ébullition, c’est certain, comme de paraître tant soit peu inférieur à mon potentiel. Mais l’ego n’est pas toujours directement en cause, ni le coup de pouce uniquement quantitatif : souci du sens, ou seulement de l’effet? Quand je narrais à mes classes comment avaient défuncté Descartes et Tycho Brahé, le premier de manque de sommeil, le second de n’avoir osé quitter la table de l’empereur pour lâcher un fil, c’était sans doute pour lancer sournoisement les gamins à l’assaut des collègues qui leur interdisaient de dormir en cours ou de sortir-pipi, certains auditeurs ne s’y trompaient pas, j’en récoltais en salle des profs d'aigres retours; seulement, si j’omettais l’influenza di freddo dans le cas de Descartes, lequel devait certes se lever à cinq heures du mat’ pour enseigner la philo à la reine Christine, mais à Stockholm et en plein hiver, et si la crise d’urémie du pauvre Tycho se métamorphosait en improbable éclatement de la vessie [2], c’est d’abord pour rendre l’insipide significatif et/ou spectaculaire. Simple peur d’ennuyer, ou terreur plus profonde qu’il n’y ait rien? Faut-il y rattacher la manie d’étayer de références et de statistiques-bidon des observations isolées, ou de simples conjectures issues de l’introspection? Que, dans le déduit, je pense les trois quarts du temps à une autre (ou à la même avec un[e] autre) se traduit d’ordinaire par : « selon une enquête du Nouvel Obs, 74,26% des hommes pensent à une autre en faisant l’amour », j’ai toujours un Pr. Langsam, Ruhevoll ou Lévy-Chrême sous le coude pour préciser combien de calories bouffent les chiens ou le sport (assez en tout cas pour expliquer toutes les famines : l’intention polémique n’est jamais loin), ma conversation est saturée de ces fumisteries, et mes cours n’en étaient pas exempts, loin de là : j’ai besoin de supposer la science manquante, pour me reposer sur autre chose qu’un ego évanescent. Si je capte un propos, un comportement au passage, il me faut le rendre représentatif en l’attribuant au moins à deux ou trois pékins, et s’ils sont déjà trois, à dix ou vingt. Il ne me viendrait pas à l’idée de feindre d’avoir lu Joyce, Kant ou Spinoza : c’est à l’ignorance de la vie que je supplée, et à la vie elle-même, quand je me fabule des amis, des maîtresses, des maladies, une fillette morte en bas-âge, un noviciat chez les Bénédictins, un séjour en prison, sur une île déserte, ou des laps de baise intense dans quelque contrée tropicale d’où, pour comble, je suis peut-être le seul à être revenu sans avoir trempé une fois le biscuit. Je me donne très rarement le beau rôle : en cas d’affrontement, même verbal, j’ai toujours eu le dessous, et si je mythonne des amours, la belle m’a saigné à blanc et s’est payé ma tête : la vraisemblance est à ce prix. Mes fictions ont fonction de me donner de l’étoffe, de la couleur, de l’être, et sans doute de me permettre d’échapper aux critiques et au rejet, qui ne frapperaient que ces oripeaux. D’ailleurs, je ne mens pas tant que ça, le principe de réalité veille, j’ai peur de me faire pécho. Mais j’ai une mentalité de menteur, et quand je dis la vérité, il me semble toujours la tripatouiller en quelque façon, pour la rendre drôle ou pittoresque, et m’en faire valoir.

 

[1] Pas si ardu. Un moteur de recherches fait ça très bien, surtout quand il est en situation de quasi-monopole.

 

[2] Ma foi, ne m’en déplaise, le second diagnostic serait, au sortir d’un repas copieux, nettement plus vraisemblable que le premier! Cette nuit, 5 juillet 2012, j’ai vu se profiler cette même mort de Tycho, non d’urémie, mais de toute conne rétention urinaire, le contenu des intestins, compacté par la constipation, pressant sur la prostate et/ou la vessie, et rendant toute miction impraticable. Pas drôle du tout. Je ne me suis tiré d’affaire qu’au prix de deux heures de trifouillages acharnés et d’une sérieuse inflammation de la muqueuse anale. Résolutions : moins bouffer, moins boire, et consulter un urologue. La troisième vient de faire flop, les “urologues” récoltés sur Internet s’étant révélés NEurologues.

     Quant à la suite, voir  huit mois plus tard : ne déflorons pas.

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