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Inventaire avant liquidation

[Agressivité et négligeabilité]

18 Juillet 2015 , Rédigé par Narcipat Publié dans #24 : Ultimes contacts avec tels-qu'ils-sont

     Je lui avais laissé, à l’oral comme à l’écrit, un rôle quasi-nul. Elle n’avait ni le désir, ni, pour le deux, le loisir et les moyens, d’en tenir un autre, et quand elle était intervenue, c’était pour faire des sottises et m’obliger à les réparer. La réactivité du lendemain, elle semblait s’être employée à la saboter, et tirer la tronche d’y avoir échoué. Ce rôle qu’elle déclinait d’assumer, elle me haïssait de le remplir, surtout en me passant de son paraphe et de la mettre en avant, comme je lui avais proposé de le faire, sans autre contrepartie qu’une reconnaissance intime. Le pire des chefs, en somme, ne se préoccupant que de son image, non du résultat, et ne sachant ni faire ni faire faire, puisqu’elle arrivait à s’aliéner un gars qui n’eût, que dis-je? n’avait demandé qu’à tirer pour elle les marrons du feu. Certes, tout porte à croire que ça n’aurait pas duré, mais si peu que ce fût était toujours bon à prendre. Dès lors, j’étais déjà sur le pas de la porte de sortie, et, ne me retenant qu’à peine de fulminer des « Pauvre andouille », tac-au-taquai :

     « Et si je me butais, moi aussi, on aurait l'air malins, non?

     Tu n'as rien compris, ça devient décidément une habitude. Il s'agissait de ne pas recevoir le devis en réunion, de ne pas l'envoyer avec le CR. Fais donc la gueule comme une gamine! Tu ne t'occupes pas du résultat, mais seulement de culpabiliser – pour te déculpabiliser toi-même? Peu importe. Ce qui est grave, c'est la bêtise.

     J'ai glané les adresses des uns et des autres sur différents mails, et j'en ai oublié en effet. J'ai rectifié le tir immédiatement après, pour Lebou et pour toi-même, alors de grâce, quand tu vas à la chasse aux actes manqués, commence donc par t'observer un peu toi-même, c'est le B-A BA. La crédibilité vis-à-vis du syndic n'est entamée en rien, puisque s'il s'est posé la question il y a évidemment répondu que je t'avais communiqué le texte avant – ce qui était d'ailleurs le cas.

     L'hostilité te rend parfaitement stupide, et je ne crois pas la supporter longtemps. Je ne peux donc que réitérer mon offre de débarrasser le plancher. Se faire haïr, parce qu'on fait quelque chose, par ceux qui ne font rien et en outre s'en vantent, c'est un peu fort de café. Sachant que ta matinée sera prise, tu n'as même pas le courage de te lever 10 minutes plus tôt!

     Inutile de se préoccuper de la date pour les espaces verts, à ce rythme, je ne serai plus au CS depuis longtemps.

     Quand je pense que je me suis esquinté sur ce dossier non pas “pour les femmes seules de la tour”, mais POUR TOI, que ça te plaise ou non, [simple rappel de ce qui m’avait paru un raffinement d’ingratitude : « je ne me suis remué le popotin que parce que tu m'avais dit que tu avais peur, et que je ne voyais pas mieux pour te protéger qu'un gardien quasiment à ta porte, et tout dévoué, parce qu'il te devrait son emploi » Réponse : « J'ai bien compris Pierre que le fait d'embaucher A*** était pour rendre services aux femmes célibataire de la Tour. »] et les remerciements que j'en recueille, crois bien que je me tiens à quatre pour écrire un courrier d'une EXTRÊME MODÉRATION. »

     Même la syntaxe qui bloblote, tellement j’écume! De quoi se prétendent-ils compléments, ces remerciements? De « quand je pense »?? Passons. Ces mots d’une “extrême modération”, je les traçais le 9 novembre. Ils ne reçurent aucune réponse, il n’y avait pas de résipiscence à espérer, et sans doute n’étais-je pas en droit de l’attendre de pareils missiles : dès lors, la suite était scellée. Quand je relis toutes ces agressions sans contrepartie, bien évidemment, je me donne tous les torts, et me demanderais presque comment un tel cinglé est encore en liberté, mais il faut quand même préciser que, même si mon imagination morbide le multipliait par mille, ça cancanait effectivement ferme dans mon dos : rencontrant Brigitte ou K***, je leur glissais : « Céline me reproche mon efficacité », et ça ne loupait pas : « Ah non, c’est pas ça qu’elle te reproche! » Après quoi, ne venaient que de vagues platitudes sur la nécessité de travailler ensemble, mais qui laissaient entrevoir d’ombreuses coulisses. Qu’on n’osât pas me blâmer en face, je pouvais le comprendre; mais je n’avalais pas d’être tant soit peu critiqué quand des remerciements m’étaient dus. Je suggérai, en vain, à Irène d’organiser chez elle un pot de lavage du linge, mais sans compter sur une réconciliation – ni, au fond, la souhaiter, me délectant d’avance de la réinstallation du bordel improductif dans ce panier de crabes une fois que j’aurai rendu mon tablier, et surtout des torchons vaseux et insipides qu’étronnerait cette petite garce (puisque c’était si facile!) au prix du sommeil de ses nuits, et peut-être de ses sacro-saintes activités. Mais il faut bien ajouter que le retour des dysfonctionnements, je le redoutais aussi moi présent, et que j’étais trop heureux de profiter d’un sans-faute apparent pour me carapater et laisser des regrets. Je comptais bien, du reste, n’arguer que du temps perdu, thème secondaire de ma rogne, non négligeable toutefois : « je suis effectivement quelqu'un de très occupé »! Et à quoi donc? Des claques.

     La grinde affaire du gardien prit une tournure que le raciste moyen aurait aisément prévue, et que je n’avais pas manqué de craindre en gros, mais tout de même pas pour si tôt : le candidat A***, après avoir déposé un devis gonflé à la pompe (celui même que Céline était censée avoir revu et corrigé), assorti de conditions – “Travail uniquement de jour”, “Toute prestation supplémentaire sera facturée en plus”, etc – qui ne reflétaient en rien les besoins que nous avions définis en sa présence, fila en Algérie, se rendant injoignable pendant trois semaines, et empêchant toute renégociation avant le jour prévu pour légaliser son embauche : à l’évidence, ce loser, au chômage depuis des années, estimait la place conquise, et, avant même d’entrer en fonctions, nous donnait à mesurer ce qu’on pouvait attendre de sa loyauté. Son absence me l’avait donc déjà rendu plus que suspect quand Dupont, le patron de l’entreprise de nettoyage, me téléphona qu’il révisait ses prix à la baisse, de 1100 balles par mois (tarif de jour), et de 2500 (tarif de nuit, avec protocole secret “sécurité”) : la situation de famille de l’employé qui s’occupait de la tour, et auquel il n’avait pas d’autre chantier à confier, justifiant l’abandon (prétendait-il) de toute marge bénéficiaire, et me touchant moi-même, dans la mesure où j’en suis susceptible, puisque Gérard, père divorcé d’une fillette, risquait, s’il était mis à pied, de se la voir retirer, au bénéfice d’une mère alcoolique. [1] Je demandai confirmation écrite, transmis en appuyant, obtins le soutien enthousiaste de Rubel, lequel se rétracta dès que Meudème la Présidente y fut allée de son stupide avis : négligeant cette occasion de rapprochement qui lui tendait les bras, elle tint en effet à épauler A***, arguant entre autres de ce que les tarifs proposés par Dupont étaient trop avantageux! Quant à ses motivations réelles, elles n’étaient guère ardues à deviner : d’abord elle se sentait responsable de ce devis foireux, ensuite Dupont n’était pas passé par elle, et pour comble s’était adressé à moi. Pas à chercher plus loin. Et comme à peu près tous les autres se taisaient, la décision fut remise au 30 novembre, à vote secret. Je l’emportai ce jour-là sans difficulté, feignis d’ignorer Céline à la sortie comme à l’entrée, et envoyai ma démission dès le lendemain, sans explication, mais en précisant qu’elle était irrévocable. Notons tout de même que mon initiative a valu à la collectivité un minimum de 13200 € d’éconocroques par an, ce qui, sur un budget de 120000, n’est pas si dérisoire, et en tout cas l’emporte haut la main sur ce qu’ont obtenu tous les autres réunis. Dix-huit mois plus tard, Cauchon se vanterait en A.G. d’avoir “âprement négocié ces tarifs avec M. Rubel”, et j’aurais, pour une fois, la sagesse de laisser filer.

     Que se serait-il passé, si je n’avais pas regagné ma tanière? Impossible de le dire; le certain, c’est qu’à l’assemblée qui suivit, au début mai 2011, le CS fut vivement critiqué par un nouveau leader arabe, et le syndic blackboulé d’une voix. Comme je n’avais pas daigné bouger ma graisse, ni transmettre mon pouvoir, je me sentis un peu pâlot, quand Irène m’en informa, mais plus enchanté encore peut-être de voir démontrées leur incapacité et leur incurie : ils n’avaient tout simplement plus rien foutu, pas même fait preuve de la vigilance minimale : rien n’aurait été plus simple que de rameuter au moins une dizaine de béni-oui-oui pour faire contrepoids à la Ligue Arabe..

     J’eus un dernier échange avec Céline touchant la pose d’une antenne, et pus constater qu’elle ne cultivait pas la culpabilité : elle “s’était trouvée bien seule”, et lâchée par des “traîtres”, voilà qui expliquait le bouillon. Je me dispensai de répondre, et tout alla cahin-caha pendant un an. Je me pointai à la dernière A.G., en juin 2012, et comme chaque voix comptait, Rubel vint me tenir la jambe une demi-heure, affectant de regretter… ces séances où l’on rigolait bien! Que j’eusse servi à quelque chose, il n’en avait manifestement aucun souvenir.

     Alors, bilan? Il est trop clair que je suis inapte à tout travail collectif, ne parvenant pas à ménager la susceptibilité de saboteurs imbéciles qui ne comprennent rien, et n’en agissent pas moins en dépit du bon sens, ou lambinent quand il faudrait agir. Il suffirait de laisser déposer un peu pour ne pas leur balancer en pleine tronche leur CONNERIE en lettres capitales, démarche pour le moins contre-productive… à moins que la volupté de les river dans leur tort l’emporte sur toute autre considération. “Erreur, ma chère : avez-vous bien lu ceci”, etc, etc : les formulations abondent pour faire passer la pilule. Mais si je cède à la colère, c’est toujours pour la même raison : parce que mon avis n’a pas été pesé, ni même saisi, ni même noté. Sauf sur les rares points qui me lèsent en tant que minorité, comme un projet d’antenne à planter au-dessus de ma tête, je me fiche assez des “résolutions à prendre”, et puis même plaider pour des trucs qui ne me vaudraient qu’enquiquinements, comme la mise en place d’une équipe collective de sécurité. Je crois m’incliner volontiers devant l’Argument, et reconnaître avec empressement mes erreurs. Mais qu’on ne tienne aucun compte de ce que j’ai dit, a fortiori écrit, et la tête me pète. Qu’ensuite j’engrange de l’hostilité au lieu de reconnaissance, et la réponse est toujours la même : vous vous passerez de moi.

     Il y a pourtant une autre constante à constater, c’est le mépris total dont je suis l’objet au premier contact dans ce milieu : j’y ai barboté, avec la bande des quatre, presque un an. Et, chose étrange, à la dernière A.G., le nouveau cheikh, un certain M***, que je n’avais jamais rencontré, a traité toutes mes interventions avec le même dédain, qu’il ne dissimulait pas, et qui n’était pas toujours dû à la fougue de mes attaques. Retour à cette fichue négligeabilité, qui dans le contexte ne fait guère de doute (mais à bien réfléchir, en salle des profs non plus, je n’ai jamais été pris au sérieux) et qu’au fond je m’explique assez bien à chaque assemblée, par l’immensité des savoirs qui m’échappent, et que d’autres, sinon tous, maîtrisent. Il est compréhensible qu’il y a deux ans l’opposition d’un type infoutu de distinguer un devis d’un audit, et ignorant tout de la loi de Robien, pût agacer un Rubel, qui se tient au courant de ces choses-là, ou une Céline, dont je ne mets pas en doute les compétences en comptabilité. Comme en contrepartie ils n’ont aucune notion de mes immodestes talents, et de toute façon les tiendraient pour inutiles… Pas tout à fait exact : Nanard, peut-être Cauchon le lui avait-il soufflé, avait fini par saisir que j’écrivais un peu mieux que lui, et qu’à l’occasion ça pouvait servir : il y avait mis un an et demi, mais quand sur la fin il distribuait les tâches du triumvirat, il assignait à l’une les chiffres, à l’autre les lettres, se réservant les techniques. Il se peut que ce mépris spontané, que je crois indubitable, ne relève que d’une propension très générale, des plus propres à me heurter, moi qui attends la lune des nouveaux venus, mais y a pas : quand je me pointe, je suis plus méprisé qu’un autre, à la gueule, à la dégaine, aux premiers échanges, même quand je jugule mon agressivité : il faut croire que j’ai une tête d’abruti, non pas tragique, comme je le souhaiterais, mais falote, et qu’il est difficile au commun des mortels de revenir de cette première impression, même quand j’ai démontré… une certaine nocivité. Je supporte plus difficilement qu’un autre qu’on me manque, étant persuadé de n’avoir droit à rien, et je suppose que si tous ceux qui, en décrochant, entendent : « Ne quittez pas, votre correspondant… » raccrochaient rageusement, cette incroyable grossièreté ne durerait pas depuis des années. En revanche, il me semble qu’on réserve à mon laïus un traitement de défaveur quand on le tranche net pour s’adresser à un tiers, et qu’on me laisse plus qu’un autre en manque de réponses et d’accusés de réception. J’ai évoqué trop brièvement la longue plage d’humiliations qui a précédé mes apparents abus de pouvoir et mes excès verbaux très réels, et qui les expliquait : peut-être aurait-il fallu prendre le risque de pires longueurs, et reproduire des pages d’argumentation auxquelles Céline n’avait répliqué qu’en deux lignes relatives à la couleur – rouge – des caractères. Le tripatouillage est inhérent aux morceaux choisis, et ici comme ailleurs on dirait que j’oriente subrepticement le choix en sens contraire d’une disculpation, parce que ce qui m’abat n’est pas d’être injuste, violent, grossier même – mais dérisoire.

 

[1] Il y a de fortes chances qu’on ait injecté dans le réel une forte dose de boniment. Les rabais dantesques signifiaient surtout à quel point nous nous étions fait plumer jusque là.

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